Archive pour la catégorie 'Nouvelles'

Par procuration

22 août, 2021

« Qu’est-ce que vous faites ? »

« Je découpe des photos de vedettes que je collectionne dans un grand livre. »

« Quelles vedettes ? »

« Cinéma, chanson, sport, journalisme… enfin tous les gens qui font parler d’eux, quoi ! »

« Vous êtes un vrai groupie… C’est bizarre, que ma gamine collectionne des photos de chanteurs, je peux comprendre… Mais vous, à quarante-huit ans… »

« Non, ce n’est pas curieux. A mon âge, j’ai eu le temps de comprendre que je ne serai jamais quelqu’un de célèbre. Personne n’a créé la cérémonie des César de la plomberie qui pourrait me mettre en évidence… »

« Donc, vous cherchez à vivre des moments de gloire par procuration… »

« C’est à peu près ça. Regardez la tête de Dumollard qui reçoit son Oscar. En regardant bien la photo, je m’insinue dans son esprit pour savoir l’impression que ça fait. »

« Et ça fait quelle impression ? »

« J’avoue que je suis très heureux, mais vous constaterez quand même mon maintien modeste. »

« Et cette photo-là, avec une chanteuse à la mode en bikini. »

« Je ne la regarde pas tellement, parce que Thérèse n’aime pas trop l’air extatique qui me saisit dans ces moments-là. »

« Vous avez aussi une photo du ministre Duplantier sur son yacht de luxe. Comment vous sentez-vous dans ce symbole du capitalisme dominant ? »

« J’ai tout fait pour me cacher, tout en laissant venir quelques photographes. Sur le pont du bateau, je pense à tous ces contribuables qui, en voyant que je la coule douce, sont en train de se demander pourquoi ils ont voté pour moi. »

« Effectivement, c’est bien ce qu’on voit en observant votre air arrogant et satisfait. »

« Et celle-là, vous avez vu. Je sors d’un restau populaire pour bien montrer qu’en dépit de mon immense fortune, je suis un grand modeste, proche des gens. »

« Et là, malgré vos lunettes noires, on vous reconnait en compagnie d’un homme politique d’extrême-droite. C’est un peu gênant, non ? »

« Pas du tout ! J’ai fait faire cette photo pour pouvoir diffuser un communiqué sanglant dans lequel je combats les idées extrémistes. Avec une belle polémique comme ça, j’ai tenu la Une des journées pendant quinze jours ! »

« Donc, vous voulez faire parler de vous. »

« Evidemment, sinon à quoi ça sert tout ça ? Et regardez celle-là, je suis en compagnie de footballeur célèbre du genre à valoir 150 à 200 millions d’euros. Je peux faire valoir mon côté sportif qui ne saute pas aux yeux au premier coup d’œil. »

« Et là, cette photo, c’est qui ? »

« Non, ce n’est rien. C’est mon beau-frère qui est boulanger. Je suis allé au baptême de sa fille, mais il n’y avait pas de vedettes. »

Couché, assis, debout

19 août, 2021

« J’aime bien rester couché le week-end ou alors me payer une petite sieste dans le hamac après le repas ».

« Oh, mon pauvre, c’est socialement très mal vu ! »

« Ah bon ! Il faut faire comment alors ? »

« On doit vous croiser debout, la mine fière et énergique. Vous devez marcher d’un pas ferme et décidé, surtout dans les couloirs de l’entreprise. Si vous pouviez avoir un gros dossier sous le bras, c’est encore mieux. »

« Ah, mince, c’est fatigant tout ça ! »

« Peut-être mais socialement, vous êtes jugé sur votre allure encore plus que sur votre visage ou vos vêtements. »

« Je peux courir. »

« Oui, vous levez tôt le samedi matin pour votre jogging, c’est pas mal. Mais alors, n’avancez pas en petites foulées, façon pépère ! »

« Comment il faut faire ? »

« Grandes foulées élastiques. Soufflez fort pour qu’on sente bien que vous ne faites pas semblant. Quand vous vous arrêtez faites quelques exercices d’assouplissement, pour que tous ceux qui vous regardent sachent qu’ils n’ont pas à faire à un amateur. »

« Et mon fauteuil en cuir, je l’utilise quand ? »

« Lorsque vous recevez. Et bien entendu ne vous vautrez pas comme vos gamins. Dites à Thérèse d’éviter de mettre un petit napperon derrière voter tête, façon grand-mère. »

« Je peux quand même m’asseoir pour manger. »

« Oui, mais alors à la cuisine. Ne soyez pas comme tous ces bof qui regardent la télé en dînant. »

« Et pour le petit déj ? »

« Le mieux, c’est debout. Vous buvez votre café à toute vitesse en disant que vous êtes en retard. Ça fait celui qui a un rendez-vous ou un boulot important. »

« Il faut s’agenouiller ? »

« A l’église, oui. A la maison, vous pouvez vous accroupir devant votre gamin qui joue à terre, c’est l’attitude du père moderne qui essaie de s’intéresser à l’éveil de l’enfant. »

« Il y a des façons de s’asseoir ? »

« Oui. Au bureau, débrouillez-vous pour avoir des accoudoirs. En plantant vos coudes, les doigts joints devant votre visage, vous pouvez vous donner un air réfléchi. »

« Et sur mon fauteuil ? »

« Le soir, quand vous rentrez, vous pouvez vous jetez dessus en vous tassant discrètement. A ce moment-là, dites que vous êtes crevé, avec un peu de chance vous éviterez les tâches ménagères. »

« J’ai le droit de m’allonger pour dormir quand même. »

« Oui, mais alors ne tapotez pas votre oreiller avant de vous allongez, ça fait encore pépère. »

Cours de langue

11 août, 2021

« Il faut savoir traduire ce qu’on dit. »

« Comment ça ? On parle français, non ? »

« Oui, mais quand je vous dis ‘il fait beau, hein’, il faut comprendre que j’essaie d’être poli, mais que je n’ai pas grand-chose à vous dire. Par conséquent, ça veut dire que vous ne m’intéressez pas tellement. »

« C’est sympa, votre truc. »

« Et quand je dis que ‘Dugenou est intelligent’, ça veut dire qu’il est certes intelligent, mais qu’il n’a pas beaucoup d’autres qualités humaines. »

« Vous êtes sûr ? »

« Oui, il faut savoir décoder ! Parfois, les choses veulent dire le contraire de ce qu’elles disent. Supposons que vous m’invitez à diner et que votre repas est très mauvais. Je vous dirais quand même : c’était délicieux. »

« Mais Thérèse cuisine très bien ! »

« Et si je vous dis que vous faites des progrès en tennis, j’ai l’air de vous complimenter, alors que je pense que votre niveau est très bas, mais que j’ai besoin d’un partenaire. »

« Ah mince ! Moi qui croyais que j’étais devenu bon ! »

« Bon ! Et quand je vous dis que votre dernier rapport est intéressant, qu’est-ce que vous comprenez ? »

« Euh … que j’ai bien travaillé ! »

« Non, ça veut dire soit qu’il ne casse pas les barres, soit même que je ne l’ai pas lu ou alors en diagonale et que j’essaie de faire celui qui l’a lu ! »

« Quelle hypocrisie ! »

« Oui, la langue ne véhicule pas seulement des idées, mais aussi des sentiments cachés. Par exemple, je ne vous aime pas trop, mais j’ai besoin que vous croyiez que je vous estime., alors je vous dis que j’ai grande estime pour vous.

« Donc, quand Thérèse me dit que je suis un homme bien, ça ne veut pas forcément dire que je suis un homme bien ? »

« Je serais à votre place, je me méfierais. Regardez bien l’expression de son regard, c’est la seule chose qui ne mente pas. »

« Est-ce qu’on peut croire les gens qui me disent qu’ils respectent mon opinion ? »

« Surtout pas. Ils vous disent non seulement qu’ils ne sont pas de votre avis, mais qu’en plus ils n’en ont rien à faire. »

« Très intéressant. Et si je disais tout de go à Dugenou que ses opinions politiques sont complètement nulles, ce ne serait pas plus simple ? »

« Oui, mais lui va comprendre qu’il doit vous mettre son poing sur la gueule. Les phrases hypocrites servent en général à vivre en paix en collectivité. »

« Bon… Votre conversation est très intéressante. »

Un rêve historique

1 juillet, 2021

« J’ai vu deux silhouettes dans l’ombre d’une forêt profonde. J’ai reconnu Duplantier et Louis XIV. »

« Duplantier, le patron ? Qu’est-ce qu’il faisait là ? »

« Lui et Sa Majesté rigolaient comme deux bossus. On aurait dit deux chenapans qui viennent de jouer un mauvais sort. »

« Tu es sûr que c’était Louis XIV ? »

« Ou peut-être Louis XIII. A une unité près, on ne va pas chipoter. Le plus grave, c’est que le carrosse du cardinal est apparu… »

« Allons bon ! Mazarin ? Richelieu ? »

« C’était Richelieu, je suis sûr. Il avait marqué son nom sur la porte de son carrosse, mais ce n’était pas encore le plus important. Il y avait sa maîtresse dans sa voiture. Et tu sais qui c’était sa maîtresse ? »

« Brigitte Bardot ? »

« Non, ne dis pas de bêtise. C’était la mère Poulard, du service du personnel. »

« Nooooooooon ! Je ne savais pas qu’elle sortait avec le cardinal. Dumartin, du service informatique va faire une drôle de tête !!  Et alors qu’est-ce qui s’est passé ! »

« La mère Poulard a exigé qu’on fasse un pique-nique ! »

« Toujours dans la pénombre de la forêt ? »

« Oui, le cardinal n’osa pas lui refuser. Il a appelé les cuisines sur son Smart Phone pour que des cuisiniers apportent de quoi se restaurer. »

« Et Duplantier pendant ce temps-là ? »

« Il jouait à saute-mouton avec le roi en attendant le déjeuner. Le roi en a eu vite assez. Il a demandé qu’on lui amène quelques ribaudes pour se divertir davantage. Et tu ne sais pas qui on lui a présenté ? »

« Non, j’ai hâte de le savoir. »

« Thérèse, ta femme ! »

« Oui, mais alors là, je ne suis pas tellement d’accord. Sa Majesté n’a pas à trousser la femme des autres. »

« Le cardinal est intervenu pour dire, qu’en effet, c’était un péché. Lui le fait couramment, mais enfin c’est un cardinal… Duplantier aussi a engueulé sa Majesté. »

« Comme quand il nous engueule en réunion de service ? »

« Oui, à peu près. Sa Majesté lui a répondu que s’il n’était pas content, il en avertirait le siège de New-York, voire le président des Etats-Unis en personne. »

« Et Thérèse, j’aimerais bien savoir ce qu’elle fait la nuit au fond des bois. »

« Elle a rejoint la mère Poulard dans le carrosse du cardinal. Elles ont gloussé à qui mieux-mieux. Je pense que la mère Poulard lui racontait les polissonneries du cardinal. »

« Et au final ? »

« Tout s’est terminé par un vaste pique-nique au clair de lune. Le roi a exigé que la barde soit attaché à un arbre. Et Obélix est arrivé en portant un plat avec un rôti de sanglier fumant. »

Un rêve historique

27 juin, 2021

« J’ai vu deux silhouettes dans l’ombre d’une forêt profonde. J’ai reconnu Duplantier et Louis XIV. »

« Duplantier, le patron ? Qu’est-ce qu’il faisait là ? »

« Lui et Sa Majesté rigolaient comme deux bossus. On aurait dit deux chenapans qui viennent de jouer un mauvais sort. »

« Tu es sûr que c’était Louis XIV ? »

« Ou peut-être Louis XIII. A une unité près, on ne va pas chipoter. Le plus grave, c’est que le carrosse du cardinal est apparu… »

« Allons bon ! Mazarin ? Richelieu ? »

« C’était Richelieu, je suis sûr. Il avait marqué son nom sur la porte de son carrosse, mais ce n’était pas encore le plus important. Il y avait sa maîtresse dans sa voiture. Et tu sais qui c’était sa maîtresse ? »

« Brigitte Bardot ? »

« Non, ne dis pas de bêtise. C’était la mère Poulard, du service du personnel. »

« Nooooooooon ! Je ne savais pas qu’elle sortait avec le cardinal. Dumartin, du service informatique va faire une drôle de tête !!  Et alors qu’est-ce qui s’est passé ! »

« La mère Poulard a exigé qu’on fasse un pique-nique ! »

« Toujours dans la pénombre de la forêt ? »

« Oui, le cardinal n’ose pas lui refuser. Il a appelé les cuisines sur son Smart Phone pour que des cuisiniers apportent de quoi se restaurer. »

« Et Duplantier pendant ce temps-là ? »

« Il jouait à saute-mouton avec le roi en attendant le déjeuner. Le roi en a eu vite assez. Il a demandé qu’on lui amène quelques ribaudes pour se divertir davantage. Et tu ne sais pas qui on lui a présenté ? »

« Non, j’ai hâte de le savoir. »

« Thérèse, ta femme ! »

« Oui, mais alors là, je ne suis pas tellement d’accord. Sa Majesté n’a pas à trousser la femme des autres. »

« Le cardinal est intervenu pour dire, qu’en effet, c’était un péché. Lui le fait couramment, mais enfin c’est un cardinal… Duplantier aussi a engueulé sa Majesté. »

« Comme quand il nous engueule en réunion de service ? »

« Oui, à peu près. Sa Majesté lui a répondu que s’il n’était pas content, il en avertirait le siège de New-York, voire le président des Etats-Unis en personne. »

« Et Thérèse, j’aimerais bien savoir ce qu’elle fait la nuit au fond des bois. »

« Elle a rejoint la mère Poulard dans le carrosse du cardinal. Elles ont gloussé à qui mieux-mieux. Je pense que la mère Poulard lui racontait les polissonneries du cardinal. »

« Et au final ? »

« Tout s’est terminé par un vaste pique-nique au clair de lune. Le roi a exigé que la barde soit attaché à un arbre. Et Obélix est arrivé en portant un plant avec un rôti de sanglier fumant. »

Boîte à outils

20 juin, 2021

« Mademoiselle, j’en pince pour vous ! »

« Voilà qui me scie, monsieur ! Etes-vous sûr ? »

« Tout à fait, mon affection pour vous me tenaille méchamment ! »

« Diable ! Vous m’en voyez marrie, monsieur ! »

« Je sens que mon cœur est pris dans une sorte d’étau. »

« Vous êtes très entreprenant, monsieur. Devrais-je vous administrer un soufflet ? »

« Mon amour pour vous est une chose bien établie. »

« N’auriez-vous pas les chevilles qui enflent ? »

« Pas du tout ! Je ne suis pas un bêcheur ! »

« Ne partez pas en vrille, monsieur. Qu’est-ce qui vous plait tant chez moi ? »

« Votre petite mèche coquine sur votre front, par exemple ! »

« Vous n’avez pas le compas dans l’œil, j’ai bien d’autres atouts ! »

« N’y aurait-il pas une pointe d’ironie dans vos paroles ? »

« Vous vous croyez sérieusement à mon niveau ? »

« Non, je sais bien que je ne vaux pas un clou ! »

« Allons, allons ! Nous pourrions aller en forêt pour examiner la situation. »

« Vous voulez bien ? Je deviens marteau ! »

« N’en profitez pas pour envisager de me rouler une pelle ! »

« Evidemment ! Je connais la règle ! »

« Oui, vous prendriez une bonne paire de taloches ! »

« Découvrir la clé de votre cœur me suffirait, mademoiselle ! »

« Voilà un joli vice, monsieur. »

« Je suis un homme droit, comme une équerre. »

« Vous pourriez peut-être m’offrir un diamant pour commencer ? »

« Vous n’allez pas me mettre un râteau ? »

« Vous me faites une cour à coups de hache, monsieur. »

« C’est faux ! J’essaie de débroussailler le terrain. »

« Ramenez-moi donc à la maison dans votre chignole. »

« Entendu, nous irons à la chasse un autre jour. »

« Pas d’illusion, j’ai percé vos intentions, monsieur. »

« Vous êtes une fine lame, mademoiselle. »

Un commercial affuté

17 juin, 2021

« Qu’est-ce que c’est que ce truc ? »

« C’est un présentoir. »

« Si je comprends bien, sur votre présentoir, vous présenter un présentoir. »

« Evidemment, monsieur, comment voulez-vous que je fasse pour présenter mon présentoir, j’ai besoin de le vendre ! »

« Et là ? Pourquoi il n’y a rien ? »

« Si monsieur, il y a quelque chose : il y a un espace ! Un espace numérique. C’est très intéressant. Il faut être un peu spécialisé pour le voir ! »

« Et là, c’est quoi ? »

« C’est le poteau gauche d’un but de football ! »

« Pourquoi gauche ? »

« Parce que j’ai déjà vendu le droit. Il fallait vous presser un peu, au lieu de poser des questions bêtes. »

« Vous ne croyez tout de même pas que je vais installer des buts de foot dans mon salon. Et qu’est ce que je vois là ? »

« Un monte-escalier de l’époque Louis XV. Je vous dis tout de suite avant que vous me le demandiez qu’il a l’air de ne pas marcher parce que je ne vends pas d’escalier. Surtout de l’époque Louis XV. »

« Ah ! Enfin quelque chose d’intéressant : un trampoline, je peux l’essayer ? »

« Ben non… C’est un trampoline sur lequel on ne peut pas rebondir. En fait, ce n’est pas un trampoline, c’est un truc sur lequel on peut monter. »

« J’avoue que je ne savais qu’il existait des vendeurs de trucs sur lesquels on peut monter. Bon… poursuivons. Je vois des drapeaux ici… ils sont tout blancs. »

« C’est très intéressant. Normalement, vous pouvez les utiliser quand vous vous rendez à l’ennemi. Mais il y a aussi une autre utilisation : vous pouvez les customiser à vos couleurs quand vous partez à l’assaut ! Par exemple d’une femme que vous convoitez ! »

« C’est-à-dire que je drague rarement avec un drapeau à la main. Vous ne vendriez pas quelque chose d’intéressant, par hasard ? »

« J’ai bien une manche de pull à votre disposition, mais vous allez me demander où est la seconde. »

« Je vais surtout vous demander où est le pull qui va avec. »

« Ne partez pas ! J’ai aussi un magnifique rivage de sable fin avec un palmier. Installé dans votre salle à manger, vous pouvez vous croire au bout du monde. »

« Si je ramène du sable dans la maison, Thérèse va m’en faire une jaunisse. Et puis, il faudrait me vendre la mer qui va avec. Votre concurrent m’a proposé l’Atlantique, mais je n’ai pas pu le mettre dans mon coffre. Une petite mer suffirait. »

« Oui, mais moi, je vous vends un bonus : une jolie fille en bikini ! »

« Alors là, je ne suis pas certain que Thérèse soit emballée ! »

Il faut revoir la formation des jeunes

15 juin, 2021

« C’est bientôt la session du bac. A quoi ça sert, le bac? »

« A vérifier que vous avez appris quelque chose, jeune écervelé ! »

« Tout le monde sait que je vais l’oublier rapidement. »

« Vous avez raison, il faudrait repasser le bac tous les 4 ou 5 ans, mais il est à craindre que le taux de réussite chute rapidement. »

« Ben… oui. On ne sait vraiment à quoi sert le bac, à part retrouver des copains 30 ans plus tard et se dire : ‘tu te souviens du père Machin en maths’ ou ‘tu te souviens de la mère Truc en français, qu’est-ce qu’on a pu se marrer’ »

« En général, les protagonistes enjolivent un peu parce que, sous le coup, ils n’ont pas rigolé du tout avec la mère Machin ou le père Truc. »

« J’ai quand même retenu des choses de mes études au lycée. 1515 Marignan, deux ou trois vers de Lafontaine, et même la dérivée d’une fonction du second degré. »

« Ce n’est pas terrible. En fait, les études au lycée ont servi à former votre capacité de raisonnement. »

« Oui, ou alors ma capacité à ne pas raisonner quand je faisais mes devoirs avant l’heure de l’entrée en pompant les résultats sur Dugenou qui – lui – passait son dimanche à former son raisonnement. »

« C’est certain que les études apprennent aussi aux jeunes à se socialiser. Y compris à devenir un peu filous sur les bords. »

« Ce qui est très utile dans la vie active. Quand on ne sait rien, il faut avoir des stratégies pour avoir l’air de savoir quelque chose. »

« Il devrait y avoir un bac pour vérifier la capacité de chacun à tromper les autres, à se faire valoir auprès d’un patron par exemple. »

« Euh… c‘est un peu cynique, mais il y a du vrai. Ne pourrait-on pas plutôt envisager une épreuve d’honnêteté au bac où l’on jugerait les jeunes sur leur capacité à dire la vérité ? »

« Il n’y aurait pas beaucoup de lauréats, moi j’aurais été obligé d’avouer toutes les impasses que j’ai faites pour préparer l’examen et aussi toutes les compositions pendant lesquelles j’ai pompé sur mon voisin Dugenou. »

« Et vous auriez dû dire aussi toutes les fausses dispenses de gymnastiques que vous aviez faites écrire à votre mère. J’espère pour vous que l’épreuve d’honnêteté n’aurait pas un coefficient trop élevé.»

« Et pendant qu’on y est, on pourrait imaginer un système qui permettrait de diriger la carrière de chaque salarié en fonction de son honnêteté. »

« Par exemple, les curriculum vitae des jeunes deviendraient parfaitement transparents ! Chacun serait obligé d’afficher ses lacunes et ses défauts ! »

« Au moment des promotions professionnels, chacun devrait avouer les basses manœuvres qu’il a dû employer pour accéder à un échelon supérieur. »

« Arrêtons ! Arrêtons ! On va mettre le bazar dans les entreprises et les institutions. »

« C’est dommage, ce serait drôle. Vous avez raison : finalement, les relations sociales se régulent mieux dans un climat d’hypocrisies et de mensonges. »

Les doutes

10 juin, 2021

« J’ai des doutes. »

« C’est normal et sain de douter, ce sont les certitudes qui sont dangereuses. »

« Vous vous rendez compte ? Mon patron m’a adressé un léger sourire. D’habitude il passe devant moi avec une attitude hautaine. Là, j’ai vu une légère détente au niveau de la commissure des lèvres. Il me veut quelque chose, c’est sûr. »

« En effet, il arrive souvent que les gens deviennent aimables avec vous à partir du moment où ils ont besoin de vous. »

« Il y a deux solutions : ou bien il a quelque chose d’embarrassant à me demander ou bien il veut m’atomiser et dans ce cas il me sourit pour m’attaquer par surprise. »

« Le mieux, ce serait de lui demander pourquoi il vous a souri. »

« Non, ça va l’énerver. Il n‘aime pas qu’on mette en doute la fermeté de son caractère. Il faut qu’on sache que c’est un homme important et un homme à poigne. »

« Bon ! Mais vous allez rester avec vos doutes ! »

« C’est d’autant plus gênant que j’en ai d’autres. Ce matin, Thérèse m’a fait un bisou en partant au boulot. C’est la première fois depuis 10 ans ! Elle a quelque chose à me demander ou lors elle me fait remarquer mon manque d’empressement auprès d’elle. Dans tous les cas, ça va encore chauffer pour mon matricule ! »

« C’est anormal, en effet. Surtout si elle ne vous a pas engueulé la veille. »

« Oui, j’avais encore oublié de descendre la poubelle et d’aller chercher sa jupe au pressing. »

« Ouh ! La l La ! Il n’y a plus de doute à avoir. Vous devriez préparer vos défenses. Vos batteries anti aériennes sont-elles bien en place ? Avez-vous bien effacé les messages de Josiane dans votre téléphone. C’est classique : elle va le consulter quand vous êtes sous la douche ! »

« Vous renforcez mes doutes. Pourquoi ne peut-on jamais vivre tranquille ? »

« Le doute permet à l’humanité de progresser. Les certitudes sont inhumaines. Heureusement que Pasteur ou Galilée ont douté ! »

« Ce n’est pas tout ! J’ai aussi des doutes sur l’existence de Dieu. »

« Ouh ! Alors là, dites-vous bien que vous ne saurez rien avant votre fin. Les êtres vivants n’ont pas de certitude, ils se contentent de croire. »

« C’est extravagant. Il n’y a jamais personne pour lever mes doutes. Il devrait exister une fonction sociale de leveur de doutes. Comment trouver le bonheur sans ça ? »

« C’est un fait exprès ! Vous ne devez pas accéder à un état de béatitude parfaite dans lequel vous n’auriez aucun doute. Une sorte de situation où tout serait clair pour vous. Vous vous rendez compte ? Plus aucun sujet de préoccupation ! En croyant accéder au bonheur, vous seriez très malheureux ! »

« Vous avez raison. Au lieu de chercher à lever mes doutes, je vais douter davantage. Sauf que mon patron et Thérèse vont encore me dire que je ne suis pas assez sûr de moi, ce qui est très mal connoté par les temps qui courent… »

« Faites comme tout le monde : prenez l’air assuré de ce que vous dites ! »

Les moments répétitifs

8 juin, 2021

« Je vis comme un automate, Georges ! »

« Oh, mon pauvre, comment ça se fait ? »

« Le matin, je me lève, je mets les pieds dans mes pantoufles qui sont toujours à la même place, après j’ouvre le paquet de café qui est toujours à la même place, ensuite je cherche le tube de dentifrice qui est toujours à la même place et ainsi de suite… »

« Effectivement, c’est stressant. Il faudrait demander à tes gamins de cacher tes pantoufles, le paquet de café ou le tube de dentifrice… »

« Non, ça va m’énerver et je serais obligé de les taper. Mais il y a pire : je fais toujours les mêmes gestes et je dis toujours la même chose. Par exemple, je m’assieds toujours au même endroit sur le fauteuil du salon ou alors au parking du super marché, je me gare toujours au même endroit. »

« En effet, ce n’est guère normal ! »

« Je viens d’essayer de faire un effort : j’ai changé la couleur de mes chaussettes ; cela a été très dur, mais j’ai réussi, mon pauvre. »

« C’est bien. Si tu pouvais aussi essayer de m’appeler ‘mon pauvre’ à tout bout de champ… »

« Il faudrait que je fasse ma révolution intellectuelle. Je vais changer ma marque de spaghettis. Et puis… non, je vais tout changer : la voiture, la maison, la femme, le chat, les gamins… »

« Ne tombons pas dans les extrêmes, Georges. Déjà, les spaghettis, c’est bien. »

« Je ne m’explique pas pourquoi je suis comme ça. »

« En fait, je crois que tu cherches à te rassurer. Il est vrai que changer suscite de l’inquiétude. Personne n’a envie de vivre dans l’anxiété. »

« J’ai une idée : je pourrais me payer un humanoïde et le programmer pour faire exactement ce que je fais. Vis-à-vis de ma famille et de la société, ça ferait le même effet. Je l’appellerai Georges Deux. »

« Ce ne serait pas tout à fait toi, il lui manquerait un supplément d’âme. »

« Georges Deux ferait tout ce qui m’énerve et dont je n’ai pas envie. Et moi, je bullerai dans mon coin, en donnant quelques directives. »

« En gros, ça s’appelle un esclave ! »

« Oui, mais je n’aurais pas l’impression de faire toujours la même chose puisque Georges Deux se chargerait des tâches répétitives. »

« Et vous, vous feriez quoi ? »

« Je me consacrerais enfin à la création. Je deviendrais une entreprise avec un département Production, dirigé par Georges Deux et un département ‘Recherches et Innovations’ que je dirigerais personnellement. »

« Et vous voulez innover dans quel domaine ? »

« Euh… je n’en sais rien. Pour bien faire, il me faudrait un Georges Trois, directeur de marketing qui chercherais les créneaux dans lesquels je pourrais m’investir. Vous comprenez : aujourd’hui pour être un homme considéré, il faut tout savoir faire : du marketing à la production. Moi, je suis un homme de réflexion. Ce n’est pas un profil très recherché par les recruteurs. »

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