Archive pour la catégorie 'Nouvelles'

Encore des sondages !

9 février, 2022

« Monsieur, d’après les résultats d’un sondage de l’institut de sondage de sa majesté, vous devez partir pour les galères de sa Majesté. »

« Pardon, pardon, monsieur ! Je dispose d’un autre sondage de la même origine. 80 % des personnes vous condamnent à l’échafaud ! »

« Faites excuses, monsieur. A-t-on tenu compte de la marge d’erreur ? »

« Tout à fait, monsieur, je passe un mail de ce pas à monsieur le bourreau. »

« Bon d’accord ! Voici une enquête d’opinion très intéressante qui montrent que 82 % des sujets de sa majesté estiment que la baronne votre épouse a comploté contre la Reine. J’informe sa Majesté ou préférez-vous le faire vous-même ? »

« Tout doux, mon bon ! Ces sondages, c’est vraiment n’importe quoi ! Je vous propose de réfléchir avant d’en tirer des conclusions ! »

« Certes, mais ils représentent l’opinion du peuple : les paysans, les serfs, les esclaves, les bourgeois, les domestiques… ça fait du monde monsieur. »

« Le mieux, ce serait que nous interrogions que les nobles. Justement, j’en ai un qui stipule que vous vous empressez outrageusement auprès de la comtesse pour 75 % des interrogés. Le comte est très remonté depuis que les résultats sont parus dans la presse royale. »

« Il n’a pas fini de s’émouvoir. Moi, j’ai d’autres résultats qui pensent que vous auriez intérêt de régler au plus vite vos dettes du jeu auprès du comte. »

« Quelle indignité ! La vie de la Cour ne devrait pas être dirigée par les sondages ! »

« Je suis de votre avis monsieur. Depuis toujours, la vie des courtisans est réglée par les rumeurs méchantes, les manœuvres perfides et les fausses informations. Nous devrions en rester là. »

« Le mieux, ce serait de faire un bon débat ! »

« Prenons garde, monsieur. Le débat entre monsieur le duc et la vicomtesse s’est terminé par un pugilat verbal. L’un parlait constamment sur l’autre et on ne comprenait rien ! »

« Vous avez raison, ils ont tous terminé aux galères, même la vicomtesse ! »

« Pourtant, il nous faut un espace démocratique pour nous exprimer. J’ai rédigé un magnifique libelle qui vous dépeint comme un monstre assoiffé de sang. Qu’en pensez-vous ? »

« Très joli, moi, j’ai fait rédigé par le service royal des pamphlets une déclaration hilarante sur les infidélités de votre épouse ! »

« Je suis indigné, monsieur. Puisqu’il en est ainsi, je vais organisé une causerie pour parler des fonds que vous avez détournés des subventions royales destinées aux armées de sa Majesté. »

« Parfait, nous pourrons comparer nos forfaits respectifs. J’ai là des documents qui montrent ce que vous vous êtes mis dans la poche à l’occasion des fêtes données en l’honneur de l’anniversaire de sa Majesté ! »

« Nous sommes de fieffés coquins, monsieur. Heureusement que sa Majesté ne fait pas de sondages sur nos friponneries. »

« Taisez-vous, il parait que le baron veut créer un institut de sondages indépendant ! »

Les affaires ont repris !

6 février, 2022

« Je suis un mouchard. »

« Et vous êtes fier de vous ? »

« Je ne sais pas ! C’est comme une seconde nature. Dès l’école primaire, je dénonçais facilement mes camarades à la maîtresse. »

« C’est une vraie maladie. »

« Peut-être ! Moi, j’ai choisi mon camp !  J’aime l’ordre et je n’aime pas ceux qui mettent la pagaille. Si tout le monde suivait les instructions, ça irait mieux. »

« Ce n’est pas sûr. Mais de toute façon, vous n’avez pas à dénoncer vos semblables aux autorités, c’est de la trahison. »

« Tout de suite les grands mots. Moi, ça me valorise d’être du côté du Bien contre le Mal. »

« Pour qui vous prenez-vous ? Vous n’êtes pas le Bon Dieu. Vous ne savez pas ce qui est Bien ou Mal pour les autres. Je m’insurge vivement ! »

« Je fais confiance à l’Autorité que nous avons élue démocratiquement. Je ne suis pas de ceux qui élisent une Autorité pour avoir le plaisir de l’agonir d’injures par la suite. »

« Et ma liberté individuelle ? Qu’est-ce que vous en faites ? »

« A partir du moment où vous vivez en collectivité, vous devez vous plier aux règles. En voiture, vous circulez à droite, même si votre liberté individuelle vous commande de conduire à gauche. »

« En fait, je crois qu’il faut distinguer d’un côté la loi qui oblige ou interdit et d’un autre côté les conventions sociales que je peux très bien ignorer. »

« Par exemple ? »

« Je pourrais dire dans tout le quartier que vous êtes un mouchard. Vous dénoncez les voisins à la mairie quand ils font du bruit. Je vous désignerais à la vindicte populaire ! »

« De mieux en mieux, vous organisez les tribunaux du peuple ! Bon… on peut s’arranger. Vous laissez vos voisins tranquilles et moi je ne dis rien pour votre tondeuse que vous passez le dimanche matin alors que j’ai tellement besoin de dormir. »

« C’est du chantage !  Puisqu’il en est ainsi, si vous parlez de ma tondeuse, moi je parle de votre haie dont la hauteur dépasse les 2.5 mètres réglementaires. C’est intolérable ! »

« Bon, je vois ce que c’est : l’équilibre de la terreur ! Je suis bien déçu, moi qui aime tant la vie paisible de notre quartier ! »

« Si vous ne dénonciez pas tout le monde à tour de bras, nous serions tranquilles. C’est votre arrogance qui met la pagaille. »

« Je vous propose une solution : je suis rémunéré par la mairie pour dénoncer ! Vous n’avez qu’à me payer plus cher pour ne pas dénoncer ! »

« Donc, vous êtes un traitre vénal et amoral. Vous changez de camp pour cent sous en plus ! »

« Un peu plus. C’est un peu le système du mercato au foot. Vous me payez plus cher que les autres, alors je joue dans votre équipe. Personne ne crie à la trahison ! »

Choix d’un métier

1 février, 2022

« Tu sais quoi ? Notre fils Louis veut faire une carrière de croque-mort ! Il dit que nous ne sommes que de passage sur terre et qu’il faut s’habituer à la mort. »

« Il a peut-être raison, mais c’est une raison de plus pour s’amuser tant qu’on peut. Il pourrait DJ, standuper, dessinateur humoristique… »

« Il veut bien d’une alternative : se livrer à une vie de débauche. »

« Ce n’est pas un métier, ça. »

« Peut-être, mais il se verrait bien ne rien faire, se lever à n’importe quelle heure, se noyer dans l’alcool et le sexe…  Je suis très réservée sur ce choix ! »

« Il parait qu’il accepterait à la limite une place de poète maudit. »

« C’est déjà plus intéressant que croque-mort. Il n’est pas contre une carrière de modèle pour les magazines de mode. Il dit qu’il lui suffira de paraître et de se laisser photographier pour encaisser du fric. Beaucoup de fric. »

« Il faudrait peut-être lui faire remarquer qu’il n’est pas assez beau pour faire model. »

« Il a aussi l’envie de faire du cinéma ou de la télé à condition d’avoir un prompteur parce qu’il ne sait pas apprendre par cœur ses textes. Ce serait une charge mentale qui l’empêcherait d’exprimer le potentiel de sa personnalité. »

« Et agent d’assurances, spécialistes du porte-à-porte, ça ne le tenterait pas, par hasard. »

« Non, il pense à quelque chose de plus créatif. En plus, il souhaiterait que nous ne démolissions pas ses rêves de jeune homme à coup de sarcasmes. »

« En somme, il ne voudrait pas faire grand-chose. Ne serait-il pas un peu fainéant ? »

« Il dit qu’il s’insurge quand tu dis qu’il n’est pas courageux. D’ailleurs sa volonté d’être croque-mort, c’est-à-dire de regarder la mort en face prouve bien qu’il est d’un grand courage. » 

« Et si on lui coupait les vivres ? »

« Il n’est pas contre. Seul dans la rue, à tendre la main, il pense qu’il pourrait mieux exprimer le désespoir qui anime le fond de sa personnalité. Par ailleurs, je te signale que les voisins en feraient des gorges chaudes, voire appelleraient la police. »

« C’est vrai que les Dugenou ne manqueraient pas de raconter que je suis un bourreau ou un tortionnaire extrémiste. »

« Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ? »

« Laissons-le faire son stage de croque-mort, mais j’aimerais autant ne pas avoir à déjeuner devant une tête de croque-mort. J’ai mes limites. »

« Il va être content,  c’est là qu’il pourra le mieux exprimer son potentiel créatif. Je me demande bien comment ? »

« Si ça ne marche pas, il pourra se réorienter vers une carrière d’observateur. »

« C’est un métier, ça ? »

« Oui, au Journal Télévisé, il disent tout le temps : d’après les observateurs… »

Un salarié revendicatif

28 janvier, 2022

« Monsieur le directeur, je ne serai pas le dindon de votre farce ! »

« Quelle farce ? »

« Vous me payez moins que les autres, la voilà la farce ! »

« C’est-à-dire que vous êtes moins qualifié et que vous n’en fichez pas très lourd ! »

« Pardon, pardon ! Grace à mon charisme, je dynamise les équipes. Vos salariés adorent me voir arriver dans les ateliers avec une bonne blague. »

« Conteur de blagues n’est pas un poste reconnu dans la collection collective. Les salariés aimeraient mieux que vous fassiez votre part de travail. »

« Vous en êtes encore là ? Je suis bien déçu. Vous ne savez donc pas que l’homme n’est pas fait pour travailler. Le travail use l’organisme humain, monsieur le directeur ! »

« Moi ce qui m’use, c’est que vous ne comprenez rien. J’ai des clients à satisfaire et des commandes à honorer. Si personne ne travaille, je coule l’entreprise. »

« Vous m’attristez beaucoup, monsieur le directeur. Vous êtes un prisonnier enchaîné au bon vouloir du consommateur. Vous êtes un bagnard qui fait tout pour satisfaire votre geôlier. »

« Je suis peut-être un bagnard, mais je fais vivre plusieurs dizaines de familles grâce au travail que je procure dans cette entreprise. »

« Vivre ? Vous plaisantez. Quand les pères de familles rentrent, abrutis par leur journée de labeur, vous savez ce qui se passe à la maison : un plat préparé au micro-onde, un petit coup de télé et hop au lit en attendant de recommencer le lendemain. »

« Et vous croyez que leur vie sera meilleure quand tout le monde sera au chômage ? »

« J’en étais sûr : le chantage du chômage, maintenant. En fait, avec vous, on passe d’un chantage à l’autre : sans diplôme pas de boulot, sans productivité pas de salaire, et sans salaire misère et chômage. Ah, elle est belle votre société. »

« Si je comprends bien, votre solution, c’est de vous asseoir et de regarder travailler les autres, tout en picolant un peu. »

« Pardon, j’introduis un élément profondément humain dans les relations de travail : le rire et la procrastination. »

« En tant qu’amuseur public, vous devriez savoir que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. »

« J’en étais sûr ! Nous passons aux menaces à peine voilées ! Je note que vous n’êtes qu’un être inhumain qui se sert des travailleurs comme de machines sans sentiment. C’est important les sentiments, c’est ce qui fait que la vie devient supportable. Je vais en parler à mon père. »

« Dugenou, je sais que votre père est un membre éminent du conseil d’administration. Ce qui explique votre situation particulière de glandeur qualifié, mais je ne suis pas certains que les japonais qui vont absorber l’entreprise aient entendu parler d’une qualification de glandeur. »

« Vous devriez saisir cet évènement comme une opportunité, monsieur le directeur. Nous pourrions tous apprendre le japonais. Ensuite, vous pourriez nous offrir un séjour culturel à Tokyo. »

Un sauvage

23 janvier, 2022

« Monsieur, vous êtes un sauvage. Vous vivez dans les bois. »

« Oui et alors ? »

« Savez-vous que la civilisation nous a apporté toutes sortes de bienfaits : un toit, un chauffage, une salle de bains, des équipements ménagers, etc… »

« Oui, mais enfin, avec de l’imagination, on peut vivre sans tout ce bazar qui coûte cher et qui pollue l’environnement. »

« Certes, mais vous ne me direz pas qu’un bon matelas… »

« On peut très bien dormir au contact de notre Terre nourricière et aller se laver à la rivière. Nos ancêtres ont vécu comme ça pendant plusieurs siècles. »

« Et pour vos distractions, c’est un peu restreint. »

« Pas du tout. Je peux me balader, lire, écouter les oiseaux… J’écoute les bruits de la forêt, quoi ! »

« Vous vous rendez compte : si tout le monde faisait comme vous, il n’y aurait plus de vie. Plus de gens dans les rues encombrés, plus de gens bourrés dans le métro, plus de gens au boulot… »

« En un mot : il y aurait davantage de gens libres de toute contrainte. Finalement, la civilisation tient debout grâce aux contraintes qui s’exercent sur chacun. »

« J’en étais sûr : vous philosophez ! Depuis Diogène, ceux qui abandonnent tout se croient dans l’obligation de philosopher. »

« C’est normal, nous retournons à l’essentiel. Vous vous êtes un peu bas de plafond parce que votre vision est obscurcie par la nécessité de posséder toujours plus. »

« Dites tout de suite que je suis idiot. »

« Non, mais vous acceptez d’être un truc minuscule dans une grande machine qui vous dépasse et qui fonctionne de manière parfaitement cohérente. »

« Bon, vous m’avez convaincu. La semaine prochaine, je viens avec mes copains et on s’installe dans votre forêt. »

« Il ne manquerait plus que ça ! Vous allez tout gâcher ! Dès qu’un groupe de personnes s’installent quelque part, ils veulent s’organiser. Chacun se spécialise : on voit apparaitre des commerçants, des soignants, des maîtres pour les enfants… Et c’est reparti pour un tour ! »

« Si je comprends bien, on ne peut pas vivre comme des sauvages à plusieurs ! »

« Ben…. C’est ça. En plus vous allez me déranger. Si d’autres font comme vous, on aura bientôt introduit la civilisation dans la forêt. Pour avoir la paix, il ne me restera plus qu’à aller en ville. Reconnaissez que ce serait un comble. »

« Donc vous voulez conserver les avantages de la nature pour vous ! »

« Oui, ce serait mieux. En fait, je vous rends service. Je vous rappelle temps à autre qu’on peut très bien vivre heureux sans accumuler de l’avoir. »

« Eh voilà ! Vous philosophez et en plus, vous faites de la politique. Vous ne seriez pas un peu gauchiste par hasard ? Si ça ne vous dérange pas, je préfèrerais m’installer dans une forêt de droite. »

Partir un jour ?

5 janvier, 2022

« Je m’exile. »

« Vous voulez dire que vous partez en vacances à l’étranger. »

« Non, non. Je veux aller vivre ailleurs. Je ne me sens plus très bien en France. »

« Et pourquoi donc, cher ami ! Les impôts ? Vous avez quand même que vous payez des impôts pour financer les routes, les écoles, les hôpitaux dont vous vous servez… »

« Non, ce n’est pas ça… Je trouve qu’on accorde trop d’importance à des choses qui n’en n’ont aucune : la santé des stars du cinéma, le niveau du Psg, la plus belle chanson du moment, le feuilleton télévisé du soir… »

« S’occuper de choses futiles, n’est-ce pas un signe de bonne santé de la population… »

« Ou bien un signe d’abaissement intellectuel… »

« Vous croyez que nous devenons plus bêtes qu’avant ? Pour quelle raison ? »

« Evidemment ! Les publicitaires ont tout intérêt à vous faire ingurgiter le maximum d’images pour que vous achetiez sans réfléchir. »

« Oui, mais enfin, les gens vont à l’école… Ils sont éduqués ! »

« Ben non… Ils sont formés à trouver un emploi, gagner un peu d’argent pour faire tourner la grande machine économique ! »

« Et vous pensez que ce sera mieux ailleurs ?»

« Vous avez raison. La nature humaine est la même partout. Nous sommes cupides, prétentieux, imbus de notre personne sous toutes les latitudes. Mais j’ai envie de me donner l’impression de la nouveauté. »

« Bon, vous vous rendez compte que vous allez perdre vos copains, vos habitudes, votre langue, nos traditions ? »

« Oui… les traditions… parlons-en ! Si c’est pour aller saluer les pompiers au bal du 14 juillet ou bien s’empiffrer comme un porc à Noël… Merci bien ! »

« Et votre copain Dugenou, qu’est-ce qu’il en pense ? »

« Il est bien ennuyé, il ne pourra plus m’emprunter ma tondeuse à gazon. Il voudrait que je la lui laisse au motif que j’en n’aurais pas besoin en Patagonie ou ailleurs. »

« Et votre femme, elle est d’accord ? »

« Non, elle ne veut pas partir avant d’avoir vu la fin de « Plus belle la vie ». En plus, elle ne veut pas abandonner les dimanches chez sa mère. »

« Et votre boulot ? »

« Le patron me refuse une mutation à l’étranger au motif qu’il ne retrouvera pas un adjoint aussi compétent que moi. C’est sûrement pour me flatter ! »

« Bref, ce n’est pas si simple que ça ! » 

« Oui, nos proches nous emprisonnent. »

Un nouveau candidat

2 janvier, 2022

« Nous sommes en pleine campagne présidentielle ! »

« Ah bon ? Qu’est-ce que c’est ? »

« Une période où vous pouvez essayer de devenir chef à la place du chef. »

« C’est intéressant. Je peux essayer ? »

« Si vous voulez, mais vous n’avez pas beaucoup de chances. Il faut bien connaître les problèmes du peuple et proposer des solutions. »

« Je vais proposer que tous les travailleurs soient augmentés. Je pense que si ça n’est pas la panacée, ça peut résoudre beaucoup de problèmes. »

« Ben non, ça ne fait pas très sérieux, c’est un peu démagogique. »

« Alors quand on propose des solutions aux problèmes du plus grand nombre, on est démagogique, c’est grave ? »

« Non, mais vous n’êtes pas crédible. Il faut faire des propositions qui portent sur des points sur lesquels le président peut agir. Réduire les impôts par exemple. »

« Ils font ça, les autres. ? »

« Oui, vous pouvez aussi dire que vous allez réduire le nombre de fonctionnaires. Le problème, ce n’est pas tellement de le dire, c’est de le dire d’un air martial et déterminé. »

« Ah mince, je n’ai pas tellement l’air martial. Et si je disais que je vais augmenter l’impôt des riches pour redistribuer de l’argent aux pauvres. »

« Surtout pas ! C’est très démagogique !! »

« Si je comprends bien chaque fois que je fais plaisir à un grand nombre de personnes, c’est démagogique. Et la démagogie, ce n’est pas bien. »

« Voilà ! Il faut faire des propositions impopulaires d’un air résolu pour bien montrer que vous êtes un candidat qui ne se laisse pas faire et qui va redresser le pays. »

« Ah bon ? Le pays est tombé ? »

« On n’en sait rien, mais ce n’est pas le problème. Il faut apparaitre comme un sauveur. Une sorte de Superman, prêt à tous les exploits !! »

« Bon d’accord ! Et ça suffit pour prendre la place du chef ? »

« Non, bien sûr. Il faut expliquer que le chef actuel gère très mal. Ce n’est pas compliqué : vous dites que tout ce qu’il a fait est nul. »

« Euh… mais ce n’est pas vrai ! »

« On ne vous demande pas d’être de bonne foi, on vous demande d’être efficace et être efficace, ça consiste à prendre la place du chef sans avoir de problème de conscience. Et en plus comme vous êtes plusieurs candidats, débrouillez-vous pour présenter les autres sous un jour très défavorable. »

« Je vois : je vais dire que ce sont des mous du genou. »

« C’est bien, mais il faut faire plus. Si vous pouviez les traiter d’irresponsables ou d’incompétents, ce serait encore mieux. Je m’occupe de leur trouver un problème avec le fisc. »

Une campagne électorale, ça se prépare

28 décembre, 2021

« Vous me flattez, monsieur. »

« Pas du tout, je constate votre merveilleux talent. Nous avons tous besoin d’un homme comme vous. Votre dernier discours m’a subjugué ! Quelle chance avons-nous de vous avoir ! » 

« Ne seriez-vous pas en train de flagorner de manière à obtenir un avantage de ma part, peut-être. Un emploi de conseiller à ma cour ou quelque chose comme ça ! »

« C’est-à-dire monsieur, que, du fait de votre haute fonction, vous avez sûrement besoin d’être entouré de gens compétents qui soient à la hauteur. »

« Bien entendu, vous ne pensiez pas spécialement à vous. Votre modestie n’a d’égal que l’humilité dont vous faites preuve lorsqu’il s’agit de ne pas vous faire remarquer. »

« Je ne le dirais pas mieux que vous, monsieur. Mon talent, comparez au vôtre, est modeste. Néanmoins, je me plierais volontiers à votre volonté, si vous me pensiez apte à remplir quelques menus services. »

« C’est vrai que nous avons toujours besoin d’un plus petit que soi, comme dit le fabuliste. Mais vous me semblez vraiment très petit. »

« Vous avez raison. Peu de gens font attention à ma personne, tant je me glisse partout dans l’indifférence générale. »

« Nous pourrions faire de vous un excellent espion. »

« Oui, mais alors pas dans un contexte trop dangereux. Je ne suis pas très courageux. Et puis j’aime bien ma tranquillité. »

« C’est-à-dire que la prochaine campagne électorale ne sera pas très tranquille. Les citoyens sont nombreux à vouloir exprimer un mécontentement. »

« Ah bon ? Vous avez été pourtant exemplaire. Je pourrais être chargé, dans votre entourage, de recueillir les témoignages de satisfaction. »

« Vous n’aurez pas beaucoup de travail. Un élu sortant fait rarement l’objet d’une campagne de satisfaction »

« Je pourrais la susciter. Rien de plus facile que de vous envoyer une montagne de textos ou de tweets louangeurs. Je pourrais aussi faire jeter des fleurs sur votre passage. »

« A propos vous avez des références ? »

« Tout à fait, j’ai participé à la dernière campagne de Dugenou qui m’appréciait beaucoup ! »

« Dugenou ? Mon adversaire politique ? Ne seriez-vous pas enclin à passer d’un camp à l’autre sans vergogne ? Ne seriez-vous pas un traitre capable de trahir son camp en fonction de ses intérêts ? »

« Euh…oui, mais je ne trahis pas, monsieur, je survis. Si vous croyez que c’est facile ! »

« Non, je ne crois pas. Remarquez, j’aime bien les traitres qui ne manquent pas de cynisme. On sait à quoi s’attendre, on est rarement déçu. »

« En effet, monsieur, je me flatte d’avoir une belle carrière de traitre ! Je trahis avec beaucoup d’élégance. Quand je changerai de camp, vous pourrez vous indigner et vous faire passer pour une victime. Les électeurs aiment bien les victimes. »

L’humoriste

25 décembre, 2021

« Il parait que vous voulez vous moquer de moi ? »

« Oui, si ça ne vous dérange pas, ça m’arrangerait. Il faut savoir que je me moque de tout le monde, je suis humoriste. »

« Peut-être, mais enfin, vous me blesseriez cruellement. Vous pourriez éviter de vous moquer des êtres humains. »

« Je ne vais tout de même pas tourner une paire de chaussettes en dérision. »

« Pourquoi pas ? C’est une question d’imagination. »

« Mais les gens aiment mieux que je raille leurs contemporains. C’est comme les jeux du cirque : tant qu’ils ne sont pas eux-mêmes dans l’arène, ça les distrait. »

« Mais pour faire rire, il faut être capable de détecter le ridicule. Or moi, je ne suis pas plus ridicule que vous ! Et je n’ai pas envie d’être dans l’arène. »

« Vous avez certainement des tocs ou des habitudes dont je peux tirer parti. Par exemple, vous dites souvent : c’est clair ! »

« Et alors ? C’est le cri de ralliement de la jeunesse : c’est clair ! »

« Vous voyez, vous êtes ridicule. Donc je vais vous singer : j’en ris d’avance. C’est clair ? »

« Vous n’exercez pas votre métier de manière très intelligente. Vous pourriez faire des jeux de mots très spirituels comme Raymond Devos. Par exemple : à quand le car pour Caen, c’est une phrase célèbre qui mérite de rentrer dans l’Histoire. »

« Certes, mais je voudrais faire rire sans trop me casser la tête. Alors me moquer de vous, c’est ce qu’il y a de plus simple. Si vous pouviez être un peu prétentieux, ça m’arrangerait. »

« Ben… non, pas moi. Vous pourriez vous ficher de votre propre figure. Je trouve qu’il y a de quoi faire au lieu de vous en prendre aux autres. »

« Ben… non, moi ça ne me ferait pas rire de m’agonir de railleries.  Si je ne me marre pas comment voulez-vous que je fasse marrer les autres ? »

« Attaquez-vous aux politiciens ou aux belles-mères. Tout le monde fait ça ! »

« Justement, ce n’est pas original. Tandis que vous, personne ne vous connait, je peux donc vous démolir à fond. »

« Bon ! Puisqu’il en est ainsi, moi je vais me moquer de vous ! Je vais rédiger un pamphlet cinglant dont vous me donnerez des nouvelles. »

« Vous feriez ça ! Ce n’est guère sympathique. Un homme dont je me moque ne doit pas se rendre compte qu’il est raillé. Ce n’est pas du jeu. »

« Puisque c’est comme ça, je vais devenir quelqu’un de complètement lisse. Comme ça vous n’auriez rien pour vous moquer de moi. »

« Parfait, vous allez ennuyer tout le monde. Je pourrais m’esclaffer de votre tendance à être sans personnalité. Les gens vont mourir de rire ! »

« Et si je me rebelle, je suis sûr que vous stigmatiseriez mon absence d’humour ! Quelle ignominie ! »»

Vive le troc !

12 décembre, 2021

 «Je vous cède un aspirateur. Qu’est-ce que vous me donnez en échange ? »

« Rien. Je n’ai pas vraiment prévu de vous faire un cadeau. »

« Il ne s’agit pas de cadeau. Je vous propose de revenir au temps du troc, c’est beaucoup plus sain que les opérations monétaires. »

« Oui, mais moi, je n’ai rien à faire de votre aspirateur. J’en ai déjà un qui marche très bien. »

« Je vois que vous avez besoin d’une table de jardin. Je vous échange la mienne contre la niche de votre chien. »

« Non, Papouf aime bien son petit coin. Pas question ! »

« Je vois ce que c’est, monsieur est plus favorable à la financiarisation de l’économie qu’à une économie locale basée sur le bon voisinage. »

« Parfaitement, je garde mon argent, je le fais travailler et lorsque je trouve le meuble de jardin qui me plait, hop ! Je l’achète ! »

« Dites tout de suite que ma table de jardin est pourrie ! »

« Je vous dis que mon chien adore sa niche. Mettez de l’argent de coté pour en acheter une neuve pour votre clébard. »

« Ben non ! Youpi préfère l’ancien au moderne, c’est son droit ! »

« Ecoutez ! Cela a pris des siècles pour que nous nous dotions d’instruments monétaires et financiers cohérents. Nous n’allons pas revenir en arrière. »

« Vous trouvez que c’est un progrès ! Les banquiers se livrent à toutes sortes d’entourloupes pour concentrer la finance entre leurs mains cupides de capitalistes endurcis. »

« Oui, mais grâce à eux, l’investissement se développent : nous avons des écoles, des hôpitaux, des routes, des industries de pointe… »

« Pour qu’ils gagnent encore plus de pognon. Ils se fichent bien de l’endroit où dort Youpi ! »

« C’est sûr que ce n’est pas leur première préoccupation. »

« Vous ne seriez pas partisan d’une mondialisation heureuse ? »

« C’est-à-dire que je suis plutôt partisan de m’acheter ce que je veux, quand je veux, sans être obligé de tenir compte des états d’âme de Youpi.»

« Finalement, vous n’êtes qu’un petit rouage dans un vaste système qui vous domine, alors que je vous proposais de prendre en main votre destinée de consommateur. »

« Faites comme moi : achetez quelques actions ou obligations et attendez que la rente tombe. Vous aurez le temps de construire une cabane pour Youpi. »

« Comment ? Vous suggérez que je vende mon âme au capitalisme libéral triomphant ? Vous vous moquez, monsieur ? »

« Pas du tout. Je cherche à vous faire profiter du développement économique général au lieu de chercher à m’arnaquer par le biais de l’échange plus ou moins inégal. Nous aurions une relation plus apaisée entre voisins. »

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