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Un autre temps

25 novembre, 2022

Il y a bien longtemps, une civilisation existait dans laquelle il convenait d’être beaux pour les hommes et belles pour les femmes. Pour les premiers, il fallait être grands, avoir les épaules larges et musclées ainsi que les dents blanches. Porter un début de barbe ou de moustache était du dernier chic. Les femmes devaient être minces, avoir la peau douce et ambrée, être toujours souriantes et élégantes.

Ces hommes et ces femmes étaient bien éduqués, à part quelques chenapans. Par souci d’harmonie, ils disaient toujours la même chose. Pour éviter les voix discordantes, les autorités leur soufflaient des éléments de langage pendant les journaux télévisés du soir. De même pour assurer une certaine harmonie, les hommes et les femmes portaient non pas les mêmes habits, mais des vêtements dont les coupes et les couleurs relevaient des mêmes inspirations créatives. Leurs voitures étaient de marque différente, mais se ressemblaient tout de même.

En résumé, on sentait dans ce peuple une forte contradiction entre une envie d’être semblables les uns aux autres et une tendance à sauvegarder sa singularité.

Parfois les gens étaient convoqués pour élire les hommes et les femmes qui dirigeraient leur collectivité. Les candidates étaient nombreux ; ils disaient qu’ils allaient entraîner le peuple vers une destinée heureuse dont ils détenaient les clés. Il arrivait qu’ils perdent leur trousseau en cours de route, si bien qu’au moment du bilan de leur action, ils étaient un peu démunis. Alors, il leur suffisait de comparer la situation des autres peuples à celle de leur pays pour qu’on leur dise qu’ils avaient bien fait.

Les gens du peuple ne se posaient pas trop de questions. Il convenait que la télévision leur offre des émissions avec des invités payés pour rigoler de leurs propres plaisanteries. C’était leur détente principale qui se déroulait surtout les samedis soir.

D’autres se réunissaient dans un grand stade, la nuit tombée, pour applaudir des jeunes garçons ou filles qui poussaient un ballon avec les pieds de manière à le faire passer dans l’espace des buts adverses ; ces spectateurs avaient l’air très content d’acclamer un jeu auquel ils ne jouaient pas.

Mais ça, c’était avant.