Le guéridon de Victor
C’est l’histoire de Victor qui possédait un guéridon, dis donc ! Le petit meuble aimait beaucoup voyager. Lorsque Victor le plaçait dans le salon, il le retrouvait sous la véranda. S’il le disposait dans la salle à manger, hop ! Le petit meuble malicieux se réfugiait dans la chambre.
Victor s’impatientait :
— Dis donc, guéridon ! Un meuble ne peut pas se déplacer tout seul !
Le guéridon rit. Il était atteint de la maladie de la bougeotte des meubles, et il n’en était pas encore guéri, le guéridon.
Victor soupçonna cette pathologie et s’en alla quérir le docteur Mouchalet. Le praticien se gratta le front. Il déclara ensuite que la plaisanterie était certes amusante, mais qu’il n’avait rencontré aucun cas, dans les annales de la médecine, d’une possible maladie de guéridon.
Victor se tourna vers le vétérinaire Hyppolite Delavache qui répondit ne pas savoir soigner les meubles.
— Ah ! La vache, ce Delavache ! Se dit Victor.
Le vendeur de meubles Touconfor fut également sollicité. Non, il ne vendait pas de guéridons qui se déplacent tout seul. En conséquence son service après-vente ne savait pas réparer un guéridon atteint de bougeotte. Il accepta néanmoins d’interroger son siège à la capitale, lequel pria le concessionnaire d’arrêter la boisson et la fumette.
Victor ne pouvait se résoudre à être suivi par son guéridon dans toute la maison. La situation s’aggrava lorsque le guéridon inaugura de sortir seul dans la rue. Le sergent de ville Jean Palluche du ramener le meuble à son propriétaire plusieurs fois, en le sermonnant :
— Victor ! Votre guéridon ne doit pas trainer dans la rue !
Un jour, le guéridon rencontra une desserte qui se déplaçait avec aisance, car elle était montée sur roulettes. Les deux tourtereaux se plurent et s’installèrent chez Victor. Ce dernier s’habitua au va-et-vient des meubles entre le salon et la salle de bains. (On se demande bien ce qu’ils faisaient dans la salle de bains).
Victor rencontra Léonce, la maman de la desserte qui fut tout heureuse de retrouver sa desserte voyageuse. Un mariage fut envisagé, non pas entre Victor et Léonce — ce qui était attendu — mais entre le guéridon et la desserte.
L’abbé Hubert Delamotte fut sollicité pour bénir l’union. Ce dernier, la soutane en bataille, se déplaça. Sa colère éclata lorsqu’il découvrit les deux jeunes mariés. Il déclara qu’on se foutait de lui, puisqu’un meuble ne pouvait pas passer l’alliance au doigt d’un autre meuble !
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