Archive pour avril, 2022

Pétard !

6 avril, 2022

« C’est vous qui avez lancé ce pétard sur la voie publique ? C’est interdit ! »

« Et pourquoi, c’est interdit ? »

« C’est dangereux pour mes oreilles et pour mes nerfs. Et puis ça m’empêche de dormir. »

« Vous dormez à huit heures du soir ? »

« Non, mais j’aurais pu. Quand on voit les programmes de la télé, on s’endort facilement. »

« Il faut bien soutenir l’industrie du pétard, sinon qui comment on va se débrouiller pour le feu d’artifice du 14 juillet. »

« Je ne comprends pas trop comment vous pouvez trouver du plaisir à faire exploser quelque chose. C’est complètement dément. »

« Ne me dites pas que vous avez inventé le pétard qui n’explose pas, autrement dit le pétard qu’on lancerait en gloussant mais qui n’exploserait pas. »

« C’est une bonne idée. Ou alors, on pourrait penser à un pétard qui délivre une belle musique au moment de l’impact. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

« Vous détruisez complètement le rôle du pétard. Il doit y avoir quelque chose de transgressif dans le geste de lancer de pétard. »

« Bon d’accord… mais il faudrait des tranches horaires pour les pétards. »

« Et pourquoi pas une autorisation écrite de tous les riverains de la rue ! Si nous sommes empêchés d’exprimer notre malaise d’adolescent, nous pourrions foutre le feu à votre poubelle !!! Qu’on nous laisse au moins flanquer la pagaille le 31 décembre. »

« Je ne vois pas trop l’intérêt qu’il y a à fêter le 31 décembre. Moi, le 1 er janvier, j’ai toujours les mêmes soucis que l’année précédente. »

« Bon, alors je fais quoi moi, avec mes pétards ?»

« J’arrive … Je vais les faire exploser avec vous. Ce qui pose un problème avec l’explosion, c’est qu’elle surprend au moment où on l’attend le moins. Si c’est moi qui déclenche l’opération, ce sera mieux pour mes nerfs et mes oreilles. »

« Vous allez vous mettre à dos vos voisins ! Vous êtes à la limite de la délinquance ! »

« Ce n’est pas grave, je suis déjà fâché avec Dugenou qui ne m’a pas invité à son dernier barbecue et aussi avec Mollard qui m’a rendu ma tondeuse à gazon complètement cassée. »

« Oui… mais non… Si les bourgeois se mettent à faire exploser des pétards dans les rues, qu’est-ce qui reste du caractère transgressif de l’acte ?»

« C’est vrai ! Désolé ! … Remarquez… Vous pourriez toujours faire exploser votre truc dans les boites aux lettres de Dugenou et de Mollard. »

« Je ne peux pas, c’est interdit ! »

« Dans la rue aussi, c’est interdit, alors au point où on en est… »

« J’ai une meilleure idée. Je fais exploser un vrai feu d’artifice dans votre rue et vous envoyez une lettre anonyme aux flics pour dénoncer Dugenou et Mollard. »

L’humoriste

5 avril, 2022

« Vous vous moquez de moi, monsieur ? »

« Oui, c’est comme ça que je dois gagner ma vie. »

« C’est extrêmement offensant pour moi, je dois vous provoquer en duel. »

« Ce n’est pas possible, c’est interdit le duel. Par contre, je peux railler vos manières, c’est tout à fait permis. »

« Et vous êtes content de vous ? »

« Oui, assez. Il faut une bonne pratique professionnelle pour se foutre du monde correctement. Je suis un humoriste diplômé. Si ça vous déplait vous devriez vous dispenser d’être ridicule. »

« Citez-moi une de mes manières que vous jugez ridicule ? »

« Vous marchez en canard. C’est ridicule : vous dandinez. »

« Moi, je dandine ? Je suis offensé, monsieur. Je dois chercher une insulte en retour…. Vous, vous agitez les bras comme une poule affolée, cherchant à s’envoler. »

« Moi, une poule affolée ? Mais je fais ça quand je vous imite, monsieur ! »

« Cette fois, c’est sûr, je suis froissé, monsieur. Je pourrais vous casser la figure, qu’est-ce que vous en pensez ? »

« Voilà qui n’arrangerait rien. C’est trop tard. Pour tout le monde, vous êtes une poule affolée grâce à la drôlerie de mes interprétations. »

« Puisque c’est ça, je vais vous agonir d’injures en public, monsieur. »

« Ce serait une faute de goût. Une personne imitée pour son comportement doit se laisser brocarder, sinon elle a mauvais esprit. »

« Moi, j’ai mauvais esprit. C’est la meilleure. Je suis le garçon le plus gentil que je connaisse. Bon ! 1000 dollars si vous imitez cruellement mon patron ! »

« Il faudrait qu’il soit ridicule ! »

« Mais il l’est ! Il dit tout le temps les mêmes mots : objectif, évaluation, profit… et en plus il roule les mécaniques pour se donner l’air important. »

« Je ne suis pas sûr qu’il soit suffisamment rigolo. Tous les patrons font la même chose, avec les mêmes mots et les mêmes gestes.»

« Et mon voisin Dugenou qui se marre dès qu’il me voit ? Vous pourriez lui infliger une imitation sévère. Vous vous planteriez devant sa maison pour faire votre spectacle. En plus, il fait des mimiques très caractéristiques. C’est facile pour vous. »

« Ben non ! Pas tellement. C’est lui qui m’a payé pour vous imiter. »

« Et vous avez accepté ? Cette fois, c’est sûr : je vais donc vous casser la figure, ainsi que celle de Dugenou pour injure publique et tentative de déconsidération. Vous avez un sot métier, monsieur. Vous feriez mieux de vous en prendre au président, c’est moins risqué. »

« Dois-je dire que vous souhaitez déshonorer la fonction présidentielle ? C’est très grave, allez 1000 dollars et je dirai que c’est Dugenou qui l’a dit ! »

L’utilitarisme

3 avril, 2022

« Vous musardez, monsieur ! »

« Oui, je flâne, le nez au vent, les mains dans les poches. »

« Vous ne servez à rien ! Ça ne vous dérange pas ? »

« J’en étais sûr ! Revoilà la civilisation de l’utilitarisme. Moi, j’aime bien ne rien faire d’autre qu’observer la vie et les gens. »

« Vous vous rende compte du désastre économique si tout le monde faisait pareil que vous ! « 

« Il y aurait peut-être moins de conflits et de crispation dans la société. Il devrait y avoir des formations de poètes pour nos jeunes gens et jeunes filles. »

« Ce n’est pas comme ça qu’on construit un pays. Que faites-vous de la valeur travail ? »

« Je suis plus attaché au contact avec la nature : les arbres, les oiseaux, le vent, les nuages, les odeurs naturelles. Tout ça, c’est plus important que le revenu national. »

« Si je comprends bien, on revient avec vous aux temps primitifs de la civilisation. »

« Bon, je vois ce que c’est. Tout ce qui n’est pas utile, vous déplait. Moi, je pense qu’on devrait offrir à tous les salariés des stages d’inutilité. »

« Par exemple ? »

« Chacun baguenauderai dans sa ville sans rien faire en souhaitant le bonjour à tous ceux qu’il rencontrerait sur son chemin. Voilà qui rendrait la vie quotidienne plus heureuse pour tout le monde ! »

« Vous plaisantez ! Si je ne peux plus partir au boulot, par tous les temps, en prenant l’air soucieux et affairé, que vont penser mes voisins ? »

« Ils aimeraient sûrement en faire autant ! Si vous pouviez réciter un poème, une sorte d’ode à la nature en passant devant chez eux, je suis sûr qu’ils seraient bouleversé. »

« Ou alors, ils appelleraient le Samu. Vous vous rendez compte de l’exemple que vous donnez, surtout à nos jeunes gens et jeunes filles qui sont si impatients de travailler. »

« Au lieu de les former à éviter le chômage, on devrait leur apprendre à regarder autour d’eux sans se presser bêtement. »

« Vous voulez une génération de fainéants ? »

« Non, plutôt une génération de gens décontractés. En fait, le boulot use votre capital santé, surtout si vous vous sentez obligé de bosser. Regardez-moi, je suis parti pour ne pas faire grand-chose jusqu’à devenir centenaire. »

« Vous ne voulez même pas faire un petit quelque chose d’utile ? »

« Non, ça ne m’intéresse pas. Mais si vous y tenez, je vous dirais que je suis quand même un peu utile en montrant qu’il y a une autre manière de vivre… »

« En montrant l’exemple de l’oisiveté sous prétexte d’épouser la nature ! »

« Bon d’accord, vous m’avez convaincu. Je vais m’inscrire au chômage, comme ça je serai toujours inutile, mais un inutile homologué. »

Tranquille ?

1 avril, 2022

« On n’est jamais tranquille. On est tout le temps tracassé. »

« Comment ça, mon bon ? »

« Par exemple, il faut que je pense à ma visite habituelle chez le dentiste. Ensuite il y a la révision de la voiture. Puis, il faut penser à réserver pour les vacances. Ne pas oublier l’anniversaire de Josiane. Penser à tondre le gazon. Aller chez le coiffeur. Ranger le garage. Mener le chat au véto…. Bref, ça n’arrête pas. »

« Mais, mon pauvre, ça s’appelle la vie ! A quoi rêvez-vous ? »

« Je rêve à des jours où je n’aurais strictement aucun souci en tête. Je pourrais goûter enfin une journée libre de toute obligation. »

« Ben, non ! Ce n’est pas possible ! Dès qu’on met un pied parterre, on a tous une charge mentale à assumer. »

« C’est un vrai chemin de croix. Et moi qui croyait que les nouvelles technologies allaient alléger notre quotidien. Je suis bien déçu. »

« En fait, je crois bien qu’elle le complique plutôt. »

« A qui le dites-vous ! Dès que je me déplace d’un point A à un point B, il faut que je m’assure d’avoir en poche ma carte bancaire et mon téléphone, faute de quoi je ne peux rien faire. »

« Bah… il suffit de savoir comment s’en servir ! »

« Et voilà, en plus de tout, il faut être compétent en téléphonie, en finances, en assurances, en immobilier, en politique, en cuisine… Pas une seconde de tranquillité, je vous dis ! »

« Qu’est-ce que vous voulez y faire ? »

« Il faut être bon partout : bon consommateur, bon épargnant, bon mari, bon père de famille… Moi, je plaide pour le droit d’être mauvais quelque part. Je pense que les relations sociales et familiales s’en trouveraient apaisées »

« Vous avez oublié aussi qu’il faut être sportif et cultivé ! »

« Misère ! Où voulez-vous que je trouve le temps d’être tout ça ! Figurez-vous pour couronner le tout que j’ai aussi besoin de manger et dormir. »

« Vous avez encore oublié quelque chose ! Il faudrait aussi que vous vous débrouilliez pour être un joyeux drille, toujours de bonne humeur, pour semer la joie de vivre autour de vous ! »

« Bon, alors là, ça commence à faire beaucoup ! »

« Vous pouvez envisager une carrière de moines. Vous seriez plus tranquille. »

« Ce n’est pas sûr. Il parait qu’ils bossent aussi ? De toute façon, dans leur rapport avec l’au-delà, ils ne sont sûrs de rien. Enfin, pas plus que vous et moi. »

« Il faut vous faire à la vie, mon bon. Il est temps. Avoir la tête farcie de problèmes, c’est peut-être ce qui nous distingue du règne animal ! »

« Ce n’est pas certain non plus. Mon chat Victor a l’air d’avoir plein de soucis. Il veut qu’on lui change son pâté et ne veut plus aller chez le véto ! »

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