Charles, le charlatan.

Voici que Charles, le charlatan arrive sur la place du village. Son cheval Gérard tire une carriole pleine de produits. Les curieux s’agglutinent autour de son chargement. Charles, le charlatan prend la parole. Il dit qu’il apporte le plaisir de vivre : la beauté et la force.

Par exemple, pour la beauté, il vend une crème que les plus belles de la capitale s’arrachent. Il s’agit d’une compilation de plantes miraculeuses, inventée par une congrégation de moines, perdue dans l’Himalaya. C’est une mixture particulière qui est faite de plantes introuvables, puisqu’elles sont cultivées uniquement par les moines inventeurs.

Les villageoises se regardent avec un air entendu. On leur a déjà fait le coup de la plus belle pour aller danser. Elles n’en croient rien. Et puis, il est bien connu que Charles le charlatan est vraiment un charlatan.  La première journée, Charles ne vend rien.

Il n’empêche qu’à la nuit tombée, le colporteur a la sagesse de maintenir son commerce ouvert. A 23 heures, arrive la mère Rachel Tomate qui lui achète cinq tubes de sa pommade. A 23 heures 30, arrive madame Julienne Passoire, la tête cachée par sa pélerine, qui repart avec quinze tubes de la mixture miracle.  A minuit, surgit madame Poulard, la femme du maire en personne qui demande vingt tubes, en prétextant que ce n’est pas pour elle, mais pour une cousine lointaine qui souffre d’une épouvantable mocheté. Nous doutons de ce prétexte.

Le second jour, Charles le charlatan dort toute la matinée. Puis, devant les hommes qui reviennent des champs, fourche sur l’épaule, il reprend la parole. Il propose son élixir spécial qui donne des forces surhumaines aux paysans. Les travailleurs présents s’esclaffent bruyamment. Charles se moquent d’eux ; tout le monde sait qu’ils sont très forts et n’ont donc nul besoin de fortifiants.

Pendant le reste de la journée, Charles le charlatan ne réalise aucune vente.

Le soir, vers 23 heures, Jeannot le cantonnier se glisse jusqu’à son comptoir et achète trois bouteilles. Vers 23 heures 30, c’est Maurice, le céréalier, il n’a aucun doute sur la puissance de ses biceps, mais il faut être prudent : il demande 20 bouteilles pour l’entretien de sa musculature. A minuit, arrive Germain qui veut 50 bouteilles. Charles, le charlatan, le sert ; il sait que Germain est un autre charlatan qui revendra sa mixture (en triplant le prix) à tous ceux qui n’auront pas osé le lui acheter, par peur d’être raillés.

Le lendemain, Charles le charlatan lève le camp et se dirige vers les villages voisins. Gérard aura du bon foin pour les prochains jours.

Moralité : Charles, le charlatan est vraiment un charlatan. Stigmatisons-le.

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