Jean-Jacques Rousseau avait-il tort ?

« Dans l’ensemble, je suis assez pessimiste. Quand on entend toutes les mauvaises nouvelles qu’on nous donne au journal télévisé, il y a de quoi être inquiet. »

« Mais ne pensez-vous pas qu’il faut croire que l’avenir sera meilleur ? »

« Ben… je ne sais pas faire. Jean-Jacques Rousseau avait tout faux : l’homme n’est pas né bon. Il est né cupide et guerrier. »

« Ah bon, selon vous le philosophe s’est trompé ? »

« Lourdement ! Dès le départ de sa vie, la préoccupation du bébé est de faire sa place sur Terre par tous moyens. La preuve, c’est qu’il hurle comme un sauvage dès qu’il n’a pas ce qu’il veut. »

« Certes, mais dès l’âge de raison, il acquiert l’art du compromis pacifique. Il sait qu’il a intérêt à échanger une barre chocolatée contre un sac de billes. »

« Ce n’est pas sûr. Certains chenapans en profitent pour se délester d’une barre chocolatée périmée. J’ai déjà vu ça. L’homme est né cupide et devient retors ou sournois. »

« Mais certains peuvent apprendre la solidarité en partageant des barres chocolatées. Non périmées évidemment. »

« Vous plaisantez. Les gamins prennent rapidement conscience que leur place dans le monde dépendra de leur valeur monétaire. Ceux qui sont savants et débrouillards seront les plus riches. Ceux qui ne font rien à l’école deviendront pauvres et filous. »

« Ne peut-on pas être heureux de vivre, hein ? »

« Si, on peut jouer au tennis si on aime ça, mais entre deux parties, il faut trouver de quoi payer sa cotisation au club. »

« Oui, mais pendant un moment, on s’est fait plaisir. »

« C’était une métaphore pour dire que même les moments de plaisir, il faut les payer ! »

« Oui, mais regardez les grands hommes et les grandes femmes : Vercingétorix, Jeanne d’Arc, Victor Hugo, Louis pasteur et Marie Curie… Ils et elles ont eu des vies passionnantes. »

« Vous avez raison. Une fois ou deux par siècle, un grand esprit s’élève au-dessus de la fange. C’est ce qui nous permet de continuer. »

« Donc avec un peu de volonté, on peut devenir l’un d’eux. »

« Pour le présent siècle, il ne faudra pas trop compter sur moi. En fait, sur 100 bébés nés guerriers, 99 sont battus en rase campagne et doivent aller de compromis en compromissions. Par exemple, vous ! Etes-vous heureux de vous entasser dans le métro pour aller bosser ? »

« Euh… non ! Mais je crois que je vais y aller en vélo. »

« Et voilà où on en est ! On passe son temps à trouver des astuces pour contourner toutes les contraintes de l’existence. Par exemple, le samedi, je vais faire mon jogging pour ne pas me marcher sur les pieds avec Josiane. Résultat : je suis crevé tout le week-end et elle me reproche d’être tout le temps fatigué. »

« En effet, on devrait apprendre aux enfants l’art du compromis, dès l’école ! Le bébé est né guerrier, mais pas forcément fin stratège. »

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