Vilain

« Dans l’ensemble, je suis assez laid. »

« En effet, chez vous, il n’y a rien d’harmonieux. Vous avez des bras trop longs, des épaules voutées, une démarche en canard. »

« Et vous n’avez pas vu le reste : mes genoux cagneux, mon nez camus, mes yeux chassieux, ma peau vérolée, et mes dents cariées. »

« C’est un vrai désastre, mais ça n’a pas l’air de vous complexer. Comment faites-vous pour assumer une telle laideur ? »

« Je me dis qu’avec tout ça, j’ai une vraie personnalité. Ce n’est pas comme Mollard qui est très beau, mais qui est invisible dans la foule des gens beaux. »

« En effet, Mollard file un mauvais coton. Il plaît tellement aux femmes qu’elles se méfient toutes de son charme ravageur. »

« Tandis qu’avec moi elles n’ont rien à craindre. Avez-vous entendu parler de l’érotisme de la laideur ? Je peux vous confirmer que ça existe. Elles veulent toutes sortir avec moi pour connaître des sensations particulières ! »

« Il parait que vous faites peur aux enfants. Certains vous jettent des pierres en hurlant ! Les mères de famille s’inquiètent. »

« Pas toutes. Pour certaines, je sers de mauvais exemple. Si les enfants ne font pas d’activité physique, elles peuvent leur montrer ce qu’ils peuvent devenir. »

« Et au bureau, comment ça se passe ? »

« J’ai une paix royale : personne ne veut partager un bureau avec moi !  En plus, à la cantine, je dispose d’une table pour moi tout seul. »

« Je suppose qu’en vacances vous disposez de la plage pour vous seul aussi. »

« Oui, même le club Mickey a déménagé. »

« Mais cette solitude, ce n’est pas trop pesant ? N’avez-vous pas envie d’améliorer quelque chose dans votre apparence si … enfin si… »

« Non, les collègues ont fait une pétition pour que je ne touche à rien. Il parait que je les rassure sur leur propre compte. »

« Il parait aussi que vous vous êtes acheté une voiture superbe… »

« … avec toutes les économies que je fais sur les produits de beauté ! Dans l’univers masculin, une belle bagnole, ça vous classe un homme. »

« Et pour les élections, vous faites quoi ? »

« J’étais prêt à proposer mon soutien à tous les candidats, mais personne n’en veut ! »

« Vous êtes peut-être moche, mais je vous trouve très sympathique. Il a là une sorte de contradiction, ça ne vous dérange pas ? »

« Ah, mince ! Il va falloir que je fasse des efforts sur ce plan-là. Je pourrais devenir jaloux de Molard, amer et acariâtre. »

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