Le nouvel avare
« Bonjour, monsieur Papagon ! Vous portez le même pull que la semaine dernière et que le mois dernier et que l’an dernier. »
« Oui et alors ? Il a appartenu à mon père. Il est très bien entretenu et il me tient chaud. N’est-ce pas ce que l’on demande à un pull ! »
« Bon, mais ces pulls jacquard, on en porte plus depuis les années 1950. C’est comme votre Dauphine, modèle 1957, ça tient encore la route ce truc-là ? »
« Parfaitement, je l’entretiens moi-même. De toute façon, il n’existe plus aucun garagiste compétent pour ce genre de moteur. »
« Quant à votre télé, n’en parlons pas ! Vous savez qu’il existe plusieurs centaines de chaînes aujourd’hui alors que vous vous contentez d’une chaine en noir et blanc ! »
« Figurez-vous que les gens du quartier viennent souvent la voir. La seule chose que je regrette, c’est la disparition de la piste aux étoiles du mercredi soir, c’était très divertissant. »
« Vous êtes toujours amoureux des speakerines ? »
« Elles, au moins, savait apporter un peu de chaleur humaine dans les foyers, ce n’est pas comme vos animateurs rigolos qui rigolent entre eux. »
« Et votre maison qui date du 18e siècle ? Elle est traversée par toutes sortes de courants d’air. Vous la chauffez l’hiver ? »
« Avec des bottes fourrées et deux ou trois pulls, c’est très vivable. Rassurez-vous, ce n’est pas moi qui vais gaspiller de l’énergie. »
« Je vous crois. D’ailleurs, vous ne gaspillez pas grand-chose. Votre banquier doit être content de gérer tous vos avoirs ! »
« Je ne vais sûrement pas confier toutes mes économies à ces gens-là pour qu’il se servent largement au passage ! »
« Tout est sous votre matelas ? »
« Non, mais dites donc, ça ne vous regarde pas ! Je fais ce que je veux de mon argent. »
« Vous n’avez jamais envisagez de vous offrir de petits cadeaux : un voyage par exemple ? »
« Pour aller constater qu’au bout du monde des peuples vivent dans une misère noire et me faire honte de ma fortune ! N’y comptez pas ! »
« Et pour les impôts ? »
« Les quoi ? Le roi Philippe-Auguste a exempté ma famille jusqu’à la fin des temps, en reconnaissance des services rendus par mon ancêtre Arnaud à la bataille de Bouvines. »
« Ce n’est pas vous qui polluez l’atmosphère, si je comprends bien. »
« Je suis d’une vieille tradition écolo. Mes ancêtres vivaient en communion avec la nature. Nous sommes une grande famille d’écolos. Fortunés, mais écolos quand même. »
« Il parait que vous avez fait un don à l’Eglise. »
« J’en ai beaucoup débattu avec l’abbé Cane. Nous avons convenu d’une somme destinée à préparer mon salut. C’est en quelque sorte un don à moi-même. »
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