Choix d’un métier
1 février, 2022« Tu sais quoi ? Notre fils Louis veut faire une carrière de croque-mort ! Il dit que nous ne sommes que de passage sur terre et qu’il faut s’habituer à la mort. »
« Il a peut-être raison, mais c’est une raison de plus pour s’amuser tant qu’on peut. Il pourrait DJ, standuper, dessinateur humoristique… »
« Il veut bien d’une alternative : se livrer à une vie de débauche. »
« Ce n’est pas un métier, ça. »
« Peut-être, mais il se verrait bien ne rien faire, se lever à n’importe quelle heure, se noyer dans l’alcool et le sexe… Je suis très réservée sur ce choix ! »
« Il parait qu’il accepterait à la limite une place de poète maudit. »
« C’est déjà plus intéressant que croque-mort. Il n’est pas contre une carrière de modèle pour les magazines de mode. Il dit qu’il lui suffira de paraître et de se laisser photographier pour encaisser du fric. Beaucoup de fric. »
« Il faudrait peut-être lui faire remarquer qu’il n’est pas assez beau pour faire model. »
« Il a aussi l’envie de faire du cinéma ou de la télé à condition d’avoir un prompteur parce qu’il ne sait pas apprendre par cœur ses textes. Ce serait une charge mentale qui l’empêcherait d’exprimer le potentiel de sa personnalité. »
« Et agent d’assurances, spécialistes du porte-à-porte, ça ne le tenterait pas, par hasard. »
« Non, il pense à quelque chose de plus créatif. En plus, il souhaiterait que nous ne démolissions pas ses rêves de jeune homme à coup de sarcasmes. »
« En somme, il ne voudrait pas faire grand-chose. Ne serait-il pas un peu fainéant ? »
« Il dit qu’il s’insurge quand tu dis qu’il n’est pas courageux. D’ailleurs sa volonté d’être croque-mort, c’est-à-dire de regarder la mort en face prouve bien qu’il est d’un grand courage. »
« Et si on lui coupait les vivres ? »
« Il n’est pas contre. Seul dans la rue, à tendre la main, il pense qu’il pourrait mieux exprimer le désespoir qui anime le fond de sa personnalité. Par ailleurs, je te signale que les voisins en feraient des gorges chaudes, voire appelleraient la police. »
« C’est vrai que les Dugenou ne manqueraient pas de raconter que je suis un bourreau ou un tortionnaire extrémiste. »
« Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ? »
« Laissons-le faire son stage de croque-mort, mais j’aimerais autant ne pas avoir à déjeuner devant une tête de croque-mort. J’ai mes limites. »
« Il va être content, c’est là qu’il pourra le mieux exprimer son potentiel créatif. Je me demande bien comment ? »
« Si ça ne marche pas, il pourra se réorienter vers une carrière d’observateur. »
« C’est un métier, ça ? »
« Oui, au Journal Télévisé, il disent tout le temps : d’après les observateurs… »