Un salarié revendicatif
« Monsieur le directeur, je ne serai pas le dindon de votre farce ! »
« Quelle farce ? »
« Vous me payez moins que les autres, la voilà la farce ! »
« C’est-à-dire que vous êtes moins qualifié et que vous n’en fichez pas très lourd ! »
« Pardon, pardon ! Grace à mon charisme, je dynamise les équipes. Vos salariés adorent me voir arriver dans les ateliers avec une bonne blague. »
« Conteur de blagues n’est pas un poste reconnu dans la collection collective. Les salariés aimeraient mieux que vous fassiez votre part de travail. »
« Vous en êtes encore là ? Je suis bien déçu. Vous ne savez donc pas que l’homme n’est pas fait pour travailler. Le travail use l’organisme humain, monsieur le directeur ! »
« Moi ce qui m’use, c’est que vous ne comprenez rien. J’ai des clients à satisfaire et des commandes à honorer. Si personne ne travaille, je coule l’entreprise. »
« Vous m’attristez beaucoup, monsieur le directeur. Vous êtes un prisonnier enchaîné au bon vouloir du consommateur. Vous êtes un bagnard qui fait tout pour satisfaire votre geôlier. »
« Je suis peut-être un bagnard, mais je fais vivre plusieurs dizaines de familles grâce au travail que je procure dans cette entreprise. »
« Vivre ? Vous plaisantez. Quand les pères de familles rentrent, abrutis par leur journée de labeur, vous savez ce qui se passe à la maison : un plat préparé au micro-onde, un petit coup de télé et hop au lit en attendant de recommencer le lendemain. »
« Et vous croyez que leur vie sera meilleure quand tout le monde sera au chômage ? »
« J’en étais sûr : le chantage du chômage, maintenant. En fait, avec vous, on passe d’un chantage à l’autre : sans diplôme pas de boulot, sans productivité pas de salaire, et sans salaire misère et chômage. Ah, elle est belle votre société. »
« Si je comprends bien, votre solution, c’est de vous asseoir et de regarder travailler les autres, tout en picolant un peu. »
« Pardon, j’introduis un élément profondément humain dans les relations de travail : le rire et la procrastination. »
« En tant qu’amuseur public, vous devriez savoir que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. »
« J’en étais sûr ! Nous passons aux menaces à peine voilées ! Je note que vous n’êtes qu’un être inhumain qui se sert des travailleurs comme de machines sans sentiment. C’est important les sentiments, c’est ce qui fait que la vie devient supportable. Je vais en parler à mon père. »
« Dugenou, je sais que votre père est un membre éminent du conseil d’administration. Ce qui explique votre situation particulière de glandeur qualifié, mais je ne suis pas certains que les japonais qui vont absorber l’entreprise aient entendu parler d’une qualification de glandeur. »
« Vous devriez saisir cet évènement comme une opportunité, monsieur le directeur. Nous pourrions tous apprendre le japonais. Ensuite, vous pourriez nous offrir un séjour culturel à Tokyo. »
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