Archive pour le 14 novembre, 2021

Regards

14 novembre, 2021

« Monsieur, vous êtes un impertinent. »

« Ah mince, qu’est-ce que j’ai encore fait, madame ! »

« Vous ne m’avez pas regardé, alors que tout le monde se complait dans l’admiration de mon allure et de mon visage. »

« Oui, mais la plupart des femmes n’aiment pas qu’on les mate. »

« Oui, et alors ? Vous n’allez tout de même pas nous reprocher nos contradictions. Ce serait la meilleure. Quelle insolence ! »

« Bon, alors, il faut faire comment ? »

« Vous pouvez me regarder sans me mater. Je n’ai pas besoin de vos regards dégoulinant d’arrière-pensées libidineuses. »

« Je vais tenter un regard bovin, ça vous dirait ? »

« Vous recommencez à être effronté. Je suis vivement contrariée. Nous frisons l’attitude sexiste, ce qui est puni par la loi. »

« J’ai une idée : qu’est-ce que vous diriez d’un regard oblique ? Je ferais semblant de regarder ailleurs, tout en vous observant sur le côté. »

« Non, ça ne va pas du tout. Je mérite toute votre attention. Ne commencez pas à me lancer des regards de vieil hypocrite. »

« Donc, si je comprends bien, il faut vous regarder sans vous observer. Qu’est-ce que vous penseriez d’un regard absent ? »

« Non plus. Vous n’avez pas à penser à autre chose en ma présence. Ce serait extrêmement impoli et même insultant. »

« Euh… je ne voudrais pas chipoter, mais vous-même, je trouve que vous avez un regard arrogant, c’est assez dérangeant. »

« Mais je vous regarde comme je veux, mon petit bonhomme. Vous ne croyez tout de même pas avoir mon regard malicieux dès notre première rencontre ? »

« Je n’irai pas jusqu’à espérer que vous puissiez papilloter des yeux en ma présence, mais vous pourriez quand même avoir une légère lueur d’intérêt au fond des yeux. »

« Non mais vous ne voulez pas un regard brûlant d’amour, pendant qu’on y est. Je soutiens votre regard, c’est déjà bien assez. »

« Bon, allez, je vais tenter un regard humide de reconnaissance. Comme ça ! »

« C’est catastrophique, monsieur. Même mon chien n’oserait pas me regarder comme ça. Vous n’avez pas le regard du canin intelligent. »

« D’habitude mon regard canin est toujours considéré comme fourbe ou ironique, et je me prends des gifles. »

« Vous ne savez pas me regarder, monsieur ! »

« Et vous non plus. D’abord, madame, vous pétillez ! Si ! si ! Vous pétillez du regard ! »