Des enfants bien elevés
9 septembre, 2021« Alors comme ça, votre gamin regarde des pornos sur Internet ? »
« Nous avons sévi ! Nous sommes des parents responsables tout de même ! »
« Il fait ses devoirs à la maison ? »
« Oui, enfin… quand je ne sais pas faire. Parce que les maths, moi… D’ailleurs, on peut se demander à quoi ça sert puisque je les ai oubliées. »
« Et les dissertations ? »
« J’étais très fort au lycée. Mais là, j’ai eu une déconvenue. Je n’avais pas la même interprétation que la prof d’un texte de Rousseau. J’ai eu 6 sur 20. Mon gamin n’était pas ravi. »
« Il a des autorisations de sortie. »
« Benjamin a 13 ans, nous bloquons la porte de sa chambre le samedi soir. Comme on est au 4e étage, on est tranquille. Quant à Sophie, 10 ans, elle fait ce qu’on lui dit, non mais alors ! De toute façon, ils n’ont pas le permis ! »
« Evidemment, ils ont un téléphone portable ou une tablette. Ou les deux. »
« Bien entendu, il n’était pas question qu’ils soient moins bien équipés que les enfants de Duplantier. Mais nous restons raisonnables, nous changeons leurs mobiles tous les six mois seulement ! »
« Et comment vous les nourrissez ces sauvages ? »
« Nous avons limité les repas constitués de frites à 5 par semaine. La bouteille de ketch-up est sous clé. Les céréales au petit déjeuner sont obligatoires, sous peine de légumes au repas de midi. Vous voyez : ça ne rigole pas ! »
« En effet. Bien entendu, je suppose qu’ils ne font aucun sport. »
« Pardon ! Pardon ! Benjamin fait ping-pong ! Nous l’avions inscrit au judo, mais il a confondu ce noble sport avec une castagne de rue. Quant à Sophie, elle est au club de lancer de fléchettes. Nous l’avions mise au basket, mais elle a déposé une réclamation à la fédération parce que le ballon est trop gros. »
« En effet, c’est un problème. Et les chambres sont-elles rangées ? »
« Nous avons obtenu un rangement une fois par mois après une négociation un peu difficile. D’ailleurs, ils ont demandé une revalorisation de leurs indemnités de rangement. »
« Je suppose qu’ils sont très investis dans les relations familiales. »
« Tout à fait, sauf avec la tante Adèle qui a de la moustache. Et l’oncle Edouard qui empeste l’alcool, ce qui n’est pas un exemple très recommandé pour les jeunes. »
« Euh… question délicate : est-ce que vos gamins vous parlent en français ? Parce que les miens marmonnent dans une langue dont je n’ai pas encore compris l’origine. »
« Vous touchez effectivement un point sensible. Mais ils sont en progrès, ils prononcent quelques mots : c’est clair, grave, je kiffe… vers midi, ils arrivent à dire : ‘faim’, ‘soif’… »
« En effet, ils sont presque civilisés. Vous pourriez en faire des politiciens. Il n’y a pas besoin de connaître beaucoup de mots : croissance, impôts, police… »