Ragots
23 mai, 2021« 100 euros et je propage un ragot sur le dos de Dugenou qui est votre concurrent au poste de chef de service. »
« Vous êtes cher. La mère Mollard dit n’importe quoi sur les autres pour dix euros seulement. »
« C’est scandaleux. Elle casse le prix des ragots dans l’entreprise. Bon ! Je fais un effort, 80 euros et je dis que Dugenou boit plus que de raison. »
« Sauf que c’est faux. Tout le monde sait que c’est faux. »
« Non, pas du tout. Je sais propager des fake news, c’est ma spécialité. Si je prends un air mystérieux pour affirmer que la directrice générale sort avec l’archevêque, il y a forcément un idiot qui me croira et qui répercutera la nouvelle. »
« Et ça marche, votre commerce ? »
« Très bien. Il suffit de dire quelque chose de louche sur le ton de la confidence pour que les gens s’empressent de le répéter. »
« Ce serait quand même mieux que vous colportiez des vraies infos dans lesquelles chacun auraient confiance. Là, je pourrais vous donner 100 euros. »
« Non, les vraies infos ne sont pas assez croustillantes. Personne ne me paiera pour propager la nouvelle que votre cousine s’est mariée. Les gens ne s’intéressent qu’aux infos qui sentent le scandale, surtout s’ils ont l’impression qu’on veut leur cacher. »
« Et si ma cousine s’est mariée avec un repris de justice ? »
« Là, ça commence à valoir un peu d’argent. Si elle pouvait avoir eu un ministre ou un député comme témoin, ce serait encore mieux. »
« Vous avez raison, je vais dire qu’elle s’est mariée avec un type qui sort de tôle et que le ministre des transports a béni leur union. »
« Non ! Vous n’avez rien compris, vous n’avez pas le droit de faire courir des ragots sur votre propre compte ! Ce n’est pas du jeu ! Je n’ai jamais vu ça ! Filez-moi 50 euros et c’est moi qui m’en charge. Mon travail est garanti. Je suis un pro ! »
« Si je comprends, je vous paie pour faire circuler l’info et vous vous ferez payer par ceux à qui vous la diffuserez. »
« Exactement, vous comprenez pourquoi je ne peux pas vous laisser faire mon job pour zéro euro. »
« Bon ! Et pour monter un véritable complot contre Dugenou, c’est combien ?»
« 200 euros et je laisse courir le bruit qu’il est coupable d’harcèlement moral sur ses collaborateurs. Avec ça, il ne sera jamais nommé au poste que vous convoitez ! »
« Vous êtes sûr ? Les gens qui travaillent avec Dugenou ont l’air très contents. »
« C’est encore mieux, je ferai couvrir le bruit qu’il oblige ses subalternes à paraître heureux de travailler avec lui. Si après ça, il s’en sort…. »
« D’accord pour 200 euros, mais vous ajoutez qu’il paie le patron pour avoir le poste. »
« C’est très sordide, mais enfin, exceptionnellement… Evidemment je suppose que vous n’en avez aucune preuve. »