Archive pour le 13 mai, 2021

Douce violence

13 mai, 2021

« Désarmons-nous ! Désarmons-nous ! »

« Vous êtes fou ! Nous avons tous notre système de défense dans nos relations sociales. Que serait une société dans laquelle chacun arriverait sans armure ? Vous rêvez, mon cher ! »

« Je trouve que nous sommes surarmés. Nous nous présentons aux autres sous une armure bon chic-bon genre, mais nous manipulons l’ironie, la dérision, l’intimidation, la méchanceté… Où tout cela va-t-il nous mener ? »

« Vous vous rendez compte ? Si nous nous disions tout à tout le monde, ce serait invivable. Imaginez que je vous rencontre dans l’ascenseur un matin et que je vous dise tout de go : monsieur, je ne vous aime pas du tout ! »

« Un peu de politesse ne nuirait pas ! »

« Et voilà ! La politesse, c’est une sorte de traité de paix entre deux êtres pour les empêcher de s’entredévorer. »

« Justement… en signant des traités de paix entre les eux, les hommes pourraient se désarmer et faire quelque chose de plus intelligent que la guerre. »

« Vous croyez sérieusement que les gens vont arrêter de se moquer de Dugenou au moment de la pause-café ou du patron quand il n’est pas là ! »

« C’est vrai que ça va être compliqué, il faudrait qu’il y ait une force de contrôle internationale. Par exemple on désignerait quelqu’un qui aurait pour tâche d’interdire les moqueries pendant les pauses. »

« On ne va plus beaucoup s’amuser ! »

« Nous pourrions aussi cesser de se faire mousser auprès de la direction à la moindre occasion, c’est assez pénible ! »

« Et comment ferait le patron pour décider des primes de fin d’année ? Soyons réalistes, mon vieux. Je ne vais tout de même pas faire mousser les autres ! »

« Il faudrait être un peu moins hypocrite, à commencer chez soi. »

« Vous voulez la fin des couples ? Vous croyez que je vais dire à Thérèse que je vois Josiane tous les jeudis soir ? Elle ne va pas le supporter ! »

« Voilà qui vous soulagerait d’un poids et peut-être qu’elle voit aussi quelqu’un, le jeudi soir. »

« Bel exemple pour les enfants ! Si je vous comprends bien, vous proposez de les élever dans la plus totale des dépravations. »

« Non. Mais je constate que la vérité peut blesser. Donc la vérité fait partie aussi de notre arsenal de guerre. On n’en sort pas. »

« Arrêtons déjà de nous mentir, ça ira mieux ! »

« Vous voulez éradiquer le mensonge ! C’est un peu comme si vous nous enleviez l’air que nous respirons. Nous nous mentons à tour de bras, sans même nous en apercevoir. »

« Bon d’accord, mais on n’est pas obligé de se battre comme des chiffonniers avec des manières apparemment douces, ça m’énerve encore plus qu’un bon coup de poing dans la g… »