Archive pour le 2 mai, 2021

La cour du baron

2 mai, 2021

« Comment, madame, vous repoussez mes avances ? Sachez que j’en suis tout étourdi d’indignation ! J’en suis même un peu froissé. »

« Eh bien, défroissez-vous baron ! Je vous rappelle que j’ai uni ma destinée au comte devant Dieu qui doit actuellement être assez contrarié de votre empressement auprès d’une femme mariée. »

« Mais enfin, comtesse, tout le monde sait que votre union au comte est une pantalonnade. Avez-vous remarqué que chacun se tient à distance pour lui parler de manière à éviter ses postillons ? »

« Le comte est très riche ce qui lui permet de baver autant qu’il veut, monsieur le baron. »

« Et alors, si je comprends bien, en-dessous d’un certain niveau de fortune, il faut mieux avoir la bouche sèche quand on s’exprime ! Avez-vous remarqué que le comte se sert deux fois de fromage à table ? Comme un rustre ! »

« Trois fois, baron ! Il oublie toujours qu’il en a déjà pris deux fois. »

« A quatre-vingt quinze ans, le comte oublie beaucoup de choses, comtesse. Se souvient-il seulement qu’il a une épouse ? »

« Oui, prenez garde qu’il ne vous provoque en duel, baron. »

« Ce serait un oubli très arrangeant pour moi. Si ça se trouve, il viendra sur le pré en oublient son épée dans sa chambre. »

« Bon, baron… Je viens de rompre avec le duc … Donc, je veux bien examiner votre candidature au poste d’amant. »

« Le duc ? Ce freluquet était votre amant ? Et pourquoi l’avez-vous chassé ? » 

« Figurez-vous qu’il était aussi l’amant d’une autre ! Un amant multicarte en quelque sorte ! »

« Ce qui n’est pas mon cas, j’ai horreur de la traitrise en amour. Vous pourriez compter sur mon absolue fidélité. Mais dites-moi, le duc est l’amant de… »

« De la baronne Joséphine, votre épouse mon cher… »

« Comment ? Mais je m’indigne, madame ! »

« Vous voulez bien tromper la baronne, mais pas que celle-ci soit courtisée ? »

« Evidemment, que faites-vous de ma dignité ? Mes aïeux ont toujours été amants en même temps que maris. Vos réticences sont très offensantes. »

« Tout le monde sait que vous sentez, baron ! »

« Je sens quoi ? »

« Vous puez, si vous voulez ! Un amant prend un bain tous les jours, c’est inscrit dans la charte royale des amants. La reine est très à cheval sur ce protocole. »

« Soit, comtesse. De toute façon, la seule idée de passer après le duc dans vos bras, m’indispose fortement. D’autant plus que lui, il passe son temps à renifler. »

« Un défaut qui n’a pas l’air d’indisposer la baronne, votre épouse ! »

« Me voilà donc bien marri, madame ! Plus de femme, pas de maîtresse ! Voyez donc la misère dans laquelle vous me plongez ! Je fais quoi, moi, maintenant ? »