Contradictions
25 février, 2021« Le fanatisme et les contradictions sont l’apanage de la nature humaine. » disait le grand Voltaire.
« Voilà qui est bien vrai, maître. Je n’ai jamais vu ma chatte Soupière en contradiction avec elle-même. »
« C’est normal, élève. Un chat a pour seul objectif de se nourrir et de dormir. On ne voit pas bien où seraient les occasions de s’interroger dans ce genre de vie. »
« C’est certain. De même pour le fanatisme. Je n’imagine pas Soupière aduler un Dieu et le défendre bec et ongles, si j’ose dire. »
« Si les chats ont une religion, j’aimerais bien être au courant, élève. »
« Donc, on pourrait dire que les félins ont une vie plus sage que les humains. »
« C’est presque ça. Les félins ne sont jamais piégés entre des tensions contradictoires. A-t ’on déjà vu un chat hésiter entre un bol de lait et une sieste ? »
« Il estime avoir droit aux deux. Il prend ses plaisirs l’un après l’autre. »
« Heureusement, l’homme est doté de son intelligence pour surmonter ses contradictions internes. Voter un président autoritaire, tout en revendiquant sa liberté individuelle, ça ne l’impressionne absolument pas. »
« C’est comme lutter pour sauvegarder l’environnement, tout en jetant un papier à terre. »
« Vous avez raison, malheureusement. Pour beaucoup d’êtres humains, la meilleure façon de surmonter ses contradictions, c’est de ne pas s’en soucier ! »
« Quel égoïsme ! »
« Par nature, l’homme est un nid de contradictions, élève. Il peut être très égoïste, tout en manifestant son attachement à la collectivité. »
« C’est vrai, ça n’a pas l’air non plus de le choquer plus que ça. »
« En fait, il fait un raisonnement économique. Il compare ce que lui coûte un choix par rapport aux autres et il adopte le prix le moins élevé, sur le plan matériel ou sur le plan moral. »
« Pourtant quand je fais un don aux miséreux, ça me coute plus cher que de ne pas le faire. N’y a-t-il pas là une nouvelle contradiction, maître ? »
« Pas du tout : faire un don aux pauvres vous coûte de l’argent, certes ! Mais cela vous donne bonne conscience. Le coût moral de ne pas donner devient excessif par rapport à celui de donner. »
« Mais cette évaluation n’est-elle pas individuelle, maître ? »
« Tout à fait. Imaginions que nous trouvions un billet de 100 euros dans la rue. Vous vous empresseriez de chercher son propriétaire. Le coût moral de ne pas rendre cet argent est plus élevé pour vous que le coût économique. Tandis que moi, j’empocherai le billet puisque je suis un être sans moralité. »
« Donc, j’en déduis que Voltaire avait raison : les contradictions sont l’apanage de l’homme. Il aurait pu ajouter qu’il passe son temps à arbitrer des entre des options opposées. Et pour le fanatisme qu’est-ce qu’on peut dire, maître ? »
« C’est une sorte de conséquence néfaste des contradictions humaines, élèves. N’oublions bas que la bêtise est aussi l’apanage de l’homme. Il peut donc choisir des options les plus idiotes. »