Prendre
23 février, 2021« Je vais prendre l’air. »
« Comment vous faites pour vous saisir de l’air ? »
« C’est une expression, ça veut dire que je vais dehors pour respirer un grand coup. C’est encore une facétie de la langue française. »
« Alors, c’est comme quand vous me dites que vous allez prendre le temps. Vous vous spécialisez dans la préhension de choses invisibles ! »
« Si vous voulez. Remarquez que j’aurais aussi pu vous dire que je vais prendre l’air de rien . L’expression non seulement veut dire que je me saisis d’une chose immatérielle, mais qu’en plus cette chose, c’est rien. »
« C’est simple votre affaire ! »
« Le verbe prendre est tout de même très pratique quand vous n’avez rien d’autre sous la main. Par exemple, dans des expressions très abstraites comme prendre son avenir en mains. Même chose quand vous employez des expressions imagées : prendre la clé des champs, par exemple. Vous aurez du mal à trouver un autre verbe que prendre. »
« En fait, très souvent l’usage du verbe prendre ne sert à rien. Si je vous dis que je vous prends en considération, vous serez sans doute flattez, mais je pourrais tout aussi bien annoncer que je vous considère. »
« Ben… non…. Parce qu’on attend la suite … vous me considérez comme quoi ? »
« Bon, alors prenons un autre exemple : si je vous dis que je prends la décision de vous flanquer à la porte ! C’est beaucoup trop long : je dirai plutôt je décide de vous flanquer à la porte ! »
« Je comprends ! C’est comme quand Thérèse m’a dit qu’elle m’a pris pour époux … C’est pour faire sa maline : elle pourrait faire plus simple en me disant qu’elle m’a épousé. »
« Voilà ! Remarquez que nous avons aussi la situation inverse. C’est-à-dire que nous utilisons le verbe prendre pour résumer des expressions trop longues. Par exemple, je peux vous dire que « je vous prends au sérieux » au lieu de dire que j’accorde la plus vive attention à votre personne. »
« C’est vrai ! Quand je prends mal vos paroles, en fait ça veut dire qu’elles m’ont profondément blessé à un point qui met en danger nos bonnes relations. »
« Voilà ! Vous y êtes ! Selon le contexte le verbe prendre a un pouvoir de contraction ou de dilatation de la pensée. »
« Bon, mais tout de même… Dans la plupart des cas, prendre veut dire se saisir de ! »
« Pas toujours… quand vous dites, très content de vous, que vous allez prendre votre bagnole, vous ne vous saisissez de rien du tout, vous utilisez votre voiture ! »
« En effet, mais le sens de s’approprier n’est-il pas le plus courant ? »
« Oui, quand je dis : je prends le balai, cela veut bien dire que je me saisis de l’objet en mains, avec la ferme intention de l’utiliser. Mais si j’affirme que vous prenez de l’embonpoint, vous n’avez rien dans les mains, c’est votre personne qui subit ce malheureux évènement. »
« Bon … heureusement qu’il y a des mots qui servent à tout et n’importe quoi, ça m’évite de me casser la tête à chercher le mot précis ! »