Nos prisons
7 février, 2021« Parfois, il faut savoir se retirer du monde. Alors, je fais une cure de silence dans un monastère. »
« Sans smartphone, sans télé ? Autrement dit, tout nu ! Comment faites-vous pour tenir le coup ? C’est un coup à réfléchir sur la vie ! Attention ! »
« Je me sens libéré. La communication, c’est sympa, mais ça vous enchaîne. C’est comme si elle vous jetait en prison comme un hors-la-loi. Alors je me paie quelques jours de liberté. »
« Moi, je ne pourrais pas. Je me sens bien dans mon état de servitude. Certes les grandes entreprises sont les maîtres du monde, mais des dictateurs, on en a toujours eu depuis le temps des monarques de droit divin. »
« Savez-vous que vous pouvez vous offrir des espaces de liberté pour pas cher ? »
« Ah bon ? »
« Ce sont les livres. Pour 10-20 euros, vous pouvez vous payer une aventure sentimentale ou un voyage sur les mers du temps des corsaires ou même un moment de poésie. »
« C’est vrai ? Ce n’est pas encore interdit ? »
« Non, mais il faut faire attention parce que certains auteurs sont soumis à la pression sociale comme vous et moi. Ils parlent de ce qui est à la mode : la santé, la condition féminine, les scandales… »
« Bon, je vais voir ce que je peux faire. Vous avez d’autres moments de liberté aussi ? »
« Oui, vous pouvez du sport. Attention ! Je n’ai pas dit de suivre le foot à la télé ! Il s’agit de mouvoir votre corps activement. »
« Ça va me faire souffrir ! Ce n’est pas de la liberté ! »
« Si, parce que ça vous oblige à rencontrer vos limites corporelles et donc à être plus modeste. Quand vous avez mal partout, vous ne pensez à plus rien d’autre. Et la fois suivante, vous y trouvez du plaisir. »
« Bon d’accord, mais j’ai aussi un autre moment de liberté : l’amour ! »
« Oui, c’est vrai… enfin, au début. Après, c’est différent ! Il y a le mariage, les courses du samedi, les belles-mères … vous voyez ce que je veux dire. »
« Il est vrai qu’après 20 ans de Thérèse… Je ne peux plus me promener en débraillé le week-end comme les bons célibataires. »
« Vous voyez : si nous n’y prenons garde, nous passons notre temps en allant d’une prison à l’autre. Essayez d’arriver au boulot à 11 heures du matin… Vous m’en direz des nouvelles… »
« Pourtant, on peut essayer d’aménager son propre régime pénitentiaire. Nous avons les congés payés ! »
« C’est vrai, ça vous permet de constater ce que vous loupez le reste de l’année. Encore faut-il être un prisonnier modèle. »
« Vous exagérez toujours ! Si le citoyen s’estime emprisonné, il peut toujours voter pour des dirigeants un peu moins tortionnaires. »
« Euh… en gros, vous avez toujours le choix entre un despote et un dictateur qui veulent tous notre bien. Si vous ne prenez pas parti, vous vous excluez de la société. Autrement dit, vous vous retrouvez exilé sur l’île des mauvais citoyens. Encore une prison ! »