Tout devient payant !
« Vous avez remarqué ? »
« Quoi encore ? »
« Tout ce qu’on construit, immeubles, maisons, magasins ou autres… a un aspect cubique ou parrallélipédique ! »
« Evidemment, c’est beaucoup moins cher que construire des fioritures. »
« Je propose de remercier les bâtisseurs de nos cathédrales qui ont montré qu’une autre architecture est possible. Quelle abnégation pour consacrer plusieurs années à un même édifice ! Ils n’avaient pas d’exigence de rentabilité, eux ! »
« Et puis, ils ne gâchaient pas la qualité. En général, il y a de splendides vitraux à l’intérieur du bâtiment. »
« Tout cela élevait l’âme. Comment voulez-vous vous sentir mystique aujourd’hui dans nos petits cubes ? Il y a une espèce de consubstantialité entre l’âme des hommes et l’architecture dans laquelle ils vivent. Petit style du bâtiment, homme mesquin. »
« Oui, moi je suis obligé de compter sur le style de mon fauteuil pour me consacrer à la réflexion métaphysique. C’est lamentable… »
« Moi, je voudrais accoler à ma maison une tourelle, une sorte de belvédère comme dans le temps… pour avoir vue sur l’environnement… »
« C’est-à-dire que vous n’allez pas avoir vue sur grand-chose à part la cour du voisin. »
« Eh voilà ! C’est l’autre problème. Non seulement votre maison n’a plus de style, mais elle devient petite et sise sur un petit terrain. »
« Encore une question de fric quoi ! Moi j’aimerais une vingtaine d’hectares. Chaque matin, je ferais le tour de mon domaine à cheval, les cheveux au vent. »
« Oui, il vous faudrait juste acheter un cheval, savoir le monter, l’entretenir, savoir le monter, recruter un palefrenier… On n’en sort pas. »
« Le romantisme est hors de prix, aujourd’hui. Pourtant ouvrir son balcon le matin, admirer la brume qui flotte sur votre étang et qui lézarde entre vos sapins… en attendant la lumière du jour qui illuminera le paysage… Ce serait une vision qui soulagerait beaucoup de nos maux modernes ! »
« Vous avez raison ! Pour le moment j’ouvre mes volets sur le camion poubelle et les éboueurs en pleine action. »
« Nous sommes passés sans le savoir d’une civilisation romantique à une société utilitariste. L’harmonie de la vie, de la nature, des formes et des couleurs, ce n’est pas utile… »
« Oui, pour y accéder, il faut les vacances et encore à condition de ne pas se précipiter sur une plage bondée de monde. »
« Et puis, il faut payer votre agence de voyage. Vous ne croyez tout de même pas qu’on va vous faire cadeau du Grand Canyon ou même des gorges du Verdon. »
« C’est ça le problème. Même la beauté devient une sorte de chose qui fait l’objet d’un marché. L’entrée dans nos églises va devenir payante. Peut-être est-ce déjà fait. »
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.