Le recul
22 novembre, 2020« Il faut savoir reculer. »
« Oui maître ! Moi j’aime bien reculer devant le travail. »
« Je n’ai pas dit qu’il fallait procrastiner. Lorsqu’on a du boulot, il faut se retrousser les manches et le prendre à bras le corps, élève. J’ai dit qu’il fallait savoir prendre du recul pour mieux mesurer une situation. Ainsi, il faut faire quelques pas en arrière, pour mieux apprécier la qualité d’un tableau de maître. La lecture vous permet aussi de prendre du recul ou, au moins, de profiter du recul pris par l’auteur sur les circonstances de la vie. »
« C’est d’une grande sagesse. En reculant, on peut analyser l’ensemble d’un problème sans se perdre dans les détails. C’est effectivement le cas dans le domaine artistique. Si vous avez le nez collé sur une œuvre impressionniste, vous ne voyez que des taches ! »
« C’est exact, élève. Les attitudes rigides ne sont pas les plus efficaces. Souvenons-nous de la fable du chêne et du roseau : c’est celui qui plie qui gagne ! Et celui qui fait son malin en restant droit comme un i, il en prend pour son grade ! »
« Vous avez raison une fois de plus, maître. Le recul est une bonne stratégie. Dans une bataille, en reculant, on met l’ennemi en confiance. Il est tenté de s’avancer imprudemment et là, paf ! On surgit sur lui. En quelque sorte, il faut savoir feindre la lâcheté et la peur pour mieux démontrer sa force et son courage ! »
« D’autant plus facilement qu’en reculant, vous aurez pris soin de l’attirer sur un terrain favorable pour vous. Par exemple, en l’attendant en haut d’une pente. Vous pourrez alors dévaler la pente et fondre sur votre adversaire qui s’essoufflera à la grimper ! »
« C’est d’une grande habileté. On peut même fuir le combat en courant de telle façon que les adversaires ne vous rattrapent qu’en ordre dispersé, ce qui permet d’équilibrer les forces. N’oublions pas l’astuce d’Horace contre les Curiaces. »
« Oui, c’était une fine stratégie. Il fallait oser. Globalement reculer est toujours favorable, ça permet de prendre de l’élan. Même les animaux le savent. Un proverbe africain le dit : le bélier recule toujours avant de sauter ! »
« D’accord, mais enfin il ne faut pas que le recul soit définitif, si c’est le cas, on s’enfuie. »
« Vous avez raison quand Napoléon dit : en amour, la seule victoire, c’est la fuite, je m’insurge !! »
« Le vrai recul, celui qui ne se traduit pas par une fuite définitive est en général favorable. N’oublions pas qu’il peut exister des exceptions. Ainsi quand je dis que la bourse recule, je me fais du souci pour mon argent ! Restons vigilants ! »
« Oui, et puis n’oublions pas non plus qu’une fois que l’on a reculé, il faut avancer. »
« Très juste, élève ! Le plus important, c’est de ne pas confondre recul et lâcheté. Je pense d’ailleurs rédiger une grande Charte Nationale du Recul. »
« Ce serait une initiative utile à tout le monde, maître. »
« En conclusion de ce sympathique colloque, je dirai que le recul est un bien précieux. Il faut toujours se réserver la possibilité de reculer et ne jamais se croire à l’abri quand on se met dans une impasse. »
« Oui, c’est agréable de discuter avec vous, maître. Je trouve qu’ensemble, nous avons pris beaucoup de recul sur le recul ! »