Se parler
12 novembre, 2020« Il faut parler. »
« Qu’est-ce que vous croyez que je fais avec ma bouche ? »
« Vous ne parlez pas. Si on enlève : bonjour, comment ça va ? » ou alors « Qu’est-ce qu’on mange à la cantine ? », ou alors « T’as vu le match, hier soir », vous ne dites pas grand-chose. »
« Et vous ! Vous parlez tellement vite qu’on ne comprend rien de ce que vous dites, c’est un vrai galimatias. »
« Bon… je vois bien que vous ne m’aimez pas puisque vous ne me parlez pas. »
« Ce n’est pas le problème. Le problème, c’est que je ne comprends pas trop ce que vous dites et que – pour ce que je comprends – ce n’est pas très intéressant. »
« C’est-à-dire que je suis obligé de proférer des banalités pour répondre à vos banalités, si vous croyez que ça m’amuse. »
« Je vous dis le minimum vital, parce que sinon vous êtes tellement pressé de donner votre avis que vous allez me couper la parole. Quelle arrogance ! »
« Vous parlez trop lentement, c’est extrêmement agaçant pour vos interlocuteurs. »
« Et alors ? Ça vous arrive de réfléchir avant de parler ? Et puis si vous pouviez ne pas finir mes phrases ce serait sympa. »
« Il faut apprendre à synthétiser. »
« Votre pensée est tellement synthétisée qu’elle est vidée de tout contenu ! »
« Peut-être qu’il n’y a pas grand-chose, mais il y a l’essentiel. Vous, votre pensée est tellement diluée dans un verbiage trop long qu’on ne sait même plus ce que vous pensez. »
« Je ne sais même pas pourquoi je vous parle. »
« C’est bien le problème ! Quand on parle à quelqu’un, il faut s’assurer qu’il soit en situation de comprendre ce que vous dites. »
« J’en étais sûr : si vous ne comprenez rien, ça va être de ma faute. »
« Calmez-vous ! Finalement, moi aussi je me demande pourquoi je vous parle ! Nous ne sommes d’accord sur rien, même pas sur la manière de nous parler. »
« Eh bien, faites un effort, parlez-moi quand même, sinon comment vais-je pouvoir démontrer la pertinence de mes thèses et ma hauteur de vue ? »
« Vous n’acceptez jamais d’avoir tort, c’est une raison de plus pour ne pas vous parler car vous êtes de mauvaise foi ! »
« Méfiez-vous si vous persistez, je vais aller parler à Dugenou ! »
« C’est une bonne idée ! Si jamais vous dites quelque chose d’intéressant, Dugenou m’avertira. Moi, je lui dirai ce que j’en pense. »
« Est-on sûr que Dugenou parle normalement ? Ni trop rapidement, ni trop vite ? Dit-il des choses sensées ou des banalités ? Interprète-t-il correctement ma pensée ? »
« Vous avez raison, il faudrait plutôt parler à Mollard. Il répète bêtement ce qu’on lui dit ! »