Le problème de l’utilité
22 octobre, 2020« J’ai beaucoup de capacités : je cours vite, je chante bien, je suis droit au bowling …. »
« Oui, tout ça, c’est sympa, mais ça ne sert pas à grand-chose ! »
« Ah… revoilà le problème de l’utilité ! Et si je dis que je fais bien le gratin de macaronis, je remonte dans votre échelle de valeurs ? »
« Non, pas tellement, à moins que vous ouvriez un bar spécialisé dans le gratin de macaronis. Là, ça peut peut-être commencer à produire du fric. »
« Nous y voilà. Que faut-il comme capacités pour se distinguer dans cette société ? »
« Il faut être capable de rester stoïquement, toute la journée, dans une grande salle avec des rangées d’ordinateurs et plein de gens qui les regardent avec l’air intéressé. »
« Je ne suis pas certain d’y arriver. »
« J’ai mieux ! Vous êtes toujours face à une rangée d’ordinateurs, mais en plus vous avec un écouteur sur les oreilles et vous téléphoner à des gens pour leur vendre une assurance ou de la nourriture pour chats ou une porte ou une fenêtre… enfin n’importe quoi ! »
« Et si les gens n’en veulent pas ? »
« Il est très probable qu’ils vont vous envoyer paître plus ou moins poliment dans plus de 90 % des cas, ce qui peut se comprendre puisque votre appel va les indisposer. »
« C’est un métier de faire ça ? »
« Oui. C’est une qualification très recherchée : casse-pied téléphonique. D’ailleurs il y a des formations. J’envisage un brevet professionnel. »
« Bon ! Vous ne connaissez pas un boulot motivant et digne. »
« Pour la motivation, il y a toujours l’argent de votre salaire. Pour la dignité, c’est un peu plus compliqué. »
« Qu’est-ce que je fais alors ? »
« Ne vous inquiétez pas ! Notre civilisation a inventé plein de jobs qui consistent à vendre des trucs inutiles : coach de vie, vente des produits inefficaces pour maigrir, organisation du mariage que vous pourriez organiser tout seul, tatouages grotesques en tous genres, organisation de stages de développement personnel, toilettage de chats … »
« Il y a de quoi faire… quelles sont les capacités requises ? »
« C’est très simple. Dans tous les cas, il suffit d’avoir la capacité de convaincre vos contemporains qu’ils ont absolument besoin de la chose que vous vendez. »
« Mais c’est du vent ! »
« Oui, mais votre vent les rassure. En fait, vous redonnez confiance à des gens en leur parlant de leur mal-être. Si vous pouviez partager leurs problèmes, ce serait encore mieux. »
« Donc, je conclus que la principale capacité à développer pour faire ma place dans le monde d’aujourd’hui, c’est d’avoir des problèmes existentiels. J’aurais préféré un monde où je pourrais me former à réparer des voitures ou soigner les gens ou cultiver la terre pour leur donner à manger ! »