Economie politique : le marché

« C’est comme ça : le monde est un vaste marché où tout s’achète et tout se vend. »

« Vous exagérez, maître ! »

« Pas du tout ! Vous pouvez même vendre votre âme au diable, si ça vous arrange. Mais méfiez-vous, c’est un fin négociateur. »

« Et ma bonne humeur légendaire, vous croyez pouvoir l’acheter ? A la rigueur, vous pourriez essayer de l’imiter, mais ça s’appellera de la contrefaçon. »

« Vous pouvez même vous payer un peu d’intelligence en payant très cher une place dans un stage de développement personnel. »

« Vous estimez que je suis en manque d’intelligence ? »

« Non ! C’était un exemple. Si vous préférez, vous pouvez vous payer une compagne féminine ou un compagnon masculin, si vous voyez ce que je veux dire… »

« Je préfère ne pas voir, ce n’est pas mon genre. Je suis sûr qu’on peut encore trouver des choses qui ne sont pas échangeables. Par exemple, un beau coucher de soleil, c’est disponible pour tout le monde. Même les plus miséreux. »

« Bon d’accord, encore faut-il louer un bel emplacement pour l’admirer. »

« Et l’air que nous respirons, il est disponible pour tout le monde. »

« Ben… non ! Si vous n’avez pas de sous, vous allez habiter sur le bord de l’autoroute pour respirer surtout la pollution émise par les voitures. »

« Et les émissions à la télé ? Une fois que vous avez payé votre téléviseur, les programmes sont des prestations gratuites. »

« Oui, mais ce sont des émissions bas de gamme. C’est comme à la fin du marché, il reste des fruits et des légumes non vendus disponibles pour les pauvres. En fait, ce sont des produits marchandisables comme les autres, mais dont la valeur est égale à zéro ! »

« Si je comprends bien, d’après vous, tout passe sur le marché avec une valeur éventuellement nulle ? Et mon amour pour Josiane, vous en faites quoi ? »

« Vous avez raison. C’est l’exception, mais ça ne dure pas, le marché se rattrape vite. Si l’échange des affections n’est pas bilatéral, il y en a un qui le paie cher. Et de toute façon, après trois ou quatre ans, le marché vire l’aspect fusionnel du mariage pour le remplacer par une sorte de contrat associatif que vous devez accepter (ou pas) moyennant un coût… »

« Et le coût c’est quoi ? »

« La routine, le poids de l’habitude… Eventuellement le coût d’un divorce. En fait, chaque fois que vous avez un choix à faire, vous comparez les solutions, et pour les comparer, vous êtes obligé d’attribuer une valeur à chacune d’entre elles. C’est le début de la mercantilisation … »

« N’y a-t-il donc pas de solutions à cette triste perspective, maître ? »

« Non, même sur une ile déserte, vous seriez obligé de faire des choix ou d’attribuer des priorités. Par exemple, pêcher pour manger aura plus de valeur que construire un abri. »

« Bon, je crois que j’ai la solution. Payez-moi un verre, ça m’évitera de me le payer. »

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