Archive pour le 4 juin, 2020

Encore de la distanciation sociale !

4 juin, 2020

« Vous êtes un impertinent ! »

« Et pourquoi, je vous prie ? »

« Vous vous rendez compte que vous m’adressez la parole ? »

« Mais pour qui vous prenez vous, mon vieux ? Nous n’avons pas gardé les chèvres ensemble. »

« J’espère bien, j’ai des occupations beaucoup plus nobles. Je ne traine pas avec n’importe qui. »

« J’espère que vous ne croyez pas m’impressionner. »

« Si, ça m’arrangerait. J’ai un haut niveau d’éducation et de revenu. Vous devriez être humble en me parlant. D’ailleurs, je ne devrais pas vous parler. »

« Oui, c’est vrai. Je ne comprends pas que vous me parliez. »

« Il faut que je vous fasse sentir ma supériorité, donc je suis obligé de vous adresser la parole. Désolé ! Si vous croyez que ça m’amuse. »

« Si je comprends bien vous méprisez tous les gens qui n’ont pas votre statut social. »

« Tout de suite les grands mots ! Non, je ne méprise personne, mais il vaudrait mieux que chacun reste à sa place. Il n’est pas très opportun que vous me parliez. »

« En effet, vous ne m’êtes pas très sympathique. »

« Mais c’est parfait ça. Je dois être entouré d’une espèce de crainte révérencieuse. A mon niveau de patrimoine, c’est la moindre des choses. »

« Et si je vous dis que vous êtes prétentieux, je suis encore impertinent ? »

« Oui, je ne dois pas faire l’objet de critique. Etre prétentieux, c’est un état consubstantiel à mon rang et à ma naissance. »

« Ce n’est pas trop dur ? »

« Si, mais c’est indispensable. Il faut qu’il existe des gens aisés pour jeter un regard dédaigneux sur les autres. Sinon, il n’y a plus de lutte des classes possible. »

« Mais on pourrait avoir des regards chaleureux et bienveillants ! »

« Encore un gauchiste ! C’est bien ma veine ! Sachez que je vous rends service mon vieux. ! »

« Comment ça ? »

« Suivez-moi bien. Je vous impressionne par mon allure, je vous énerve, vous me parlez avec impertinence et au final vous êtes content de vous parce que vous croyez vous être rebellés. »

« C’est assez pervers ! »

« En effet, mais c’est la seule façon de maintenir une distance entre vous et moi. Si vous me parlez comme on se parle au bistrot du coin, vous créez un faux sentiment de camaraderie. Comment voulez-vous révolter contre un esprit de camaraderie ? »

« Vous trouvez indispensable de se révolter ? »

« Evidemment, nigaud. On a tous envie de se sentir fort. Et si possible d’avoir le rôle de David contre Goliath. La société va de révolte en révolte. »