Archive pour le 2 juin, 2020

Nos prisons

2 juin, 2020

« Allez, hop ! Au bloc ! »

« Encore ? Mais alors je suis tout le temps confiné ! »

« Oui, c’est comme ça ! Quand vous n’êtes pas confiné, vous devez être en prison. Et si vous n’êtes pas en prison, vous devez être esclave de quelqu’un. »

« Je peux m’évader de temps à autre ? »

« Il y en a qui ont essayé… Ils rament aux galères du Roi ! »

« Et la liberté, c’est quand ? »

« Mais vous êtes entièrement libre à condition que vous ne bougiez pas. Bon, allez …vous êtes sympathique, je vous délivrerai une autorisation de déplacement sur 3 kilomètres. »

« Et vous pourriez faire quelque chose pour mon esclavage au boulot ? »

« Alors comme ça, vous ne voulez plus être humilié dans un travail répétitif, sans intérêt, au service de financiers soucieux de vous ? J’ai une solution pour vous : montez votre propre boite ! »

« D’accord, mais je vais changer d’esclavage en tombant sous la coupe du banquier ! »

« Vous pourriez vous marier ! »

« Euh… ça va encore chauffer pour mon matricule ! »

« Et la légion étrangère ? »

« Non, merci. »

« Vous êtes marrant ! Je vous propose toutes sortes d’esclavages sympas et vous n’en voulez pas ! Il ne vous reste qu’à finir en prison, aux galères ou en confinement. »

« Et le monastère ? »

« Vous tenez à vous lever à 4 heures du matin pour assister à Matines ? »

« Pourtant !  J’ai entendu parler d’un monde libre ! »

« Ouh ! Alors là … attention, c’est encore pire ! C’est un monde affreux que je n’osais même pas vous proposer ! Rendez-vous compte : vous êtes enfermé en tête-à-tête avec vous-même toute la journée et toute l’année. C’est terrible. »

« C’est vrai : on ne peut échapper à soi-même. Nous sommes emprisonnés dans le même corps. Il faut beaucoup d’abnégation pour survivre à soi-même. »

« Je ne vous le fait pas dire. C’est comme être emprisonné avec un type qui vous réciterait toute la journée ce que vous devez faire et qui vous rongerait de scrupules si vous le faites mal. »

« Bon, tout compte fait, je préfère rester en cellule de dégrisement. »

« Non mais où vous croyez-vous ? Ce n’est pas un emprisonnement à la demande. Nous avons besoin de la place ! Il y en a d’autres qui attendent. »

« Vous pourriez m’apporter une autre bouteille de vodka ! Et je recommencerai à me bourrer ! »

« Allez-vous faire enfermer ailleurs ! »