Archive pour avril, 2020
Pas plus que le nécessaire
19 avril, 2020« Mon gamin est très éveillé. »
« Ah bon ? A quoi vous voyez ça ? »
« Il a une claire conscience de ses intérêts. Il ajuste ses efforts pour avoir un tout petit peu plus que le moyenne à l’école, mais pas plus. »
« Ce n’est pas une très bonne philosophie. »
« C’est un juste équilibre entre efforts et résultats. A quoi servirait de se défoncer pour avoir des résultats tout juste médiocres ? »
« Oui, mais on peut aussi travailler beaucoup, pour avoir des résultats brillants. Votre gamin ne serait-il pas un peu coquin ? »
« Le problème, c’est que certains ne travaillent pas beaucoup, tout en obtenant des résultats brillants. Ce n’est pas ça qui va stimuler mon fils. »
« Si je comprends bien, ça stratégie, c’est d’être moyen en tout. En efforts comme en résultats. »
« C’est ce que je fais au bureau. J’ai des résultats bons sans être extraordinaires. Je fais le nécessaire sans me tuer au travail et comme ça je dégage du temps pour ne pas en foutre une rame. »
« Et vous êtes content ? »
« Oui, vous ne vous rendez pas compte de la tonne de frustration qui s’abat sur ceux qui travaillent comme des dingues et ne récoltent que des clopinettes. »
« Il y en a qui travaillent beaucoup et qui sont récompensés. »
« A condition de ne pas être concurrencés par ceux qui sont plus pistonnés. C’est le cas de Mollard qui s’est fait coiffer par Dugenou pour le poste de chef de service. »
« Se faire pistonner est un travail comme un autre. Cela exige une très bonne connaissance des rouages administratifs et de la mentalité des gouvernants. »
« Pour en revenir à mon gamin, je préfère le voir se glisser avec malice dans le peloton de tête, sans pour autant se ruiner la santé en essayant de conquérir la première place qu’il peut se voir souffler au dernier moment. »
« Remarquez finalement, il a raison, se donner les moyens de ses ambitions, c’est gentil, mais parfois il est plus malin d’adapter ses ambitions à ses moyens. »
« Pour prendre un exemple, il y a 15 ans, tout le monde voulait Jessica, moi je me suis contenté de Josiane. »
« Oui, je comprends. »
« Certes Jessica était une bombe, mais moi avec mes lunettes, mes boutons, mon nez camus, mes maquettes d’avion, mes chemises à carreau et mes disques d’Adamo… »
« C’est sûr, ce n’était pas pour Jessica ! C’est John qui l’a eue avec son prénom américain, sa guitare pourrie et la bagnole de son père. »
« Il parait qu’ils sont tous les deux à Pôle Emploi, tandis que moi avec Josiane on est bien tranquilles. On n’a pas beaucoup de fric, mais ça va… Depuis, j’essaie de faire en sorte que mon gamin soit lucide sur ses moyens pour ne pas avoir trop d’ambitions. »
« Euh… vous vous rendez compte, si Napoléon avait raisonné comme vous ! »
« Peut-être, mais Napoléon n’avait pas ses petits week-ends tranquilles ou sa petite maison de famille pour passer le mois d’août pénard en Bretagne. »
C’est du beau
18 avril, 2020Un ange passe… derrière la grange
17 avril, 2020Nos bons mots
16 avril, 2020« Je suis trop intelligent et trop compétent. Je m’excuse de vous faire de l’ombrage. »
« C’est vrai, mais on essaie de s’en remettre. Ne t’en fais pas. »
« Si, si… Tout de même, je sens bien que ma vivacité d’esprit vous gêne. Je me sens très coupable. Que pourrais-je faire pour atténuer la différence de nos niveaux intellectuels ? »
« Tu devrais fréquenter Dugenou, c’est le plus bête d’entre nous. Avec lui, tu auras une vraie différence. »
« Je l’ai fait. Il m’a dit qu’il ne comprend rien à ce que j’ai dit. Je ne connais pas de mots assez simples pour entrer en contact avec lui. »
« C’est-à-dire que ce n’est pas des mots qu’il faut, mais plutôt des onomatopées, des interjections, des sigles, des cris… »
« Ah bon ? C’est terminé les mots et les phrases ? »
« Oui, maintenant on dit : à plus, comme d’hab, waouh, mdr…Ce genre de choses. »
« Pourtant Mollard, il fait des phrases, lui ! A la cantine, je l’ai entendu dire : je vous serais reconnaissant de bien vouloir me passer le pot à eau. »
« Oui, mais c’est beaucoup trop long. Les autres le coupent avant la fin. Mollard est réputé pour ne jamais finir ses phrases. »
« Bon alors, avec qui puis-je communiquer d’égal à égal ? »
« Il y a bien le petit jeune, Valentin Dumou, qui sort de l’Université. Il a dû apprendre des trucs compliqués et les avoir encore en tête. »
« Vous croyez que je pourrais m’entretenir de la relance économique par les méthodes keynésiennes qui s’appuient sur la dépense publique. »
« Je ne sais pas ce que c’est, mais vous pouvez toujours essayer. »
« Et Mauricette Poulet ? L’autre jour, il m’a semblé qu’elle formulait une phrase avec un sujet, un verbe et peut-être un complément. »
« Elle a dû se tromper. D’habitude, elle se contente de « quel connard ! » »
« Et par mail ? Puis-je m’entretenir avec quelqu’un qui me répondra en français ? »
« Non, c’est aussi beaucoup trop long. Essayez Erwan Loubard, il parait qu’il utilise les signes de ponctuation, moi je ne sais même pas où ils sont sur le clavier. »
« Je comprends, mon pauvre : il y a beaucoup trop de lettres. »
« Ce serait bien plus simple si on pouvait faire comme les indiens : communiquer par tam-tam. »
« Ou alors par des signaux de fumée. »
« On a essayé, mais ça a mis le feu à l’étage du patron qui n’a pas apprécier. Mais ne t’ inquiéte pas, il y a encore un minimum de communication dans l’entreprise. La plupart des gens se saluent le matin en se disant bonjour, quelques ringards disent souhaitent bonne journée ! »
« Il parait que Charlotte fait la bise, elle ! »
« C’est une survivante. Elle était là, il y a trente ans au début de la boite. On a été obligé de l’isoler dans un bureau. Elle se fait la bise à elle-même. »
Jeux d’argent
15 avril, 2020Les réseaux
14 avril, 2020« Ne confondons pas : la mère Perlin colporte des ragots, moi je relaie des informations au sein de l’entreprise. Ce n’est pas pareil ! »
« Ah bon et quel est la différence ? »
« Prenons un exemple. La mère Perlin a diffusé que Mollard de la compta sort avec Joséphine de l’informatique. »
« Information que vous avez immédiatement relayée. »
« Oui, mais moi c’était avec bienveillance, alors que la mère Perlin s’est esbaudie et a fait savoir à la cantonade que les deux tourtereaux n’allaient absolument pas ensemble. En fait, elle est jalouse : son réseau fonctionne nettement moins bien que le mien. »
« Vous avez d’autres infos à relayer avec bienveillance. »
« Moi, je ne relaie rien qui ne soit vérifié. Je travaille en bonne intelligence avec Thérèse du marketing qui a son propre réseau de renseignements. C’est comme ça que nous pouvons assurer que Cambon est tous les jours dans le bureau du patron. Perlin a été encore grillée sur ce coup-là. »
« Ah bon, Cambon travaille avec le chef ? »
« Pas du tout. On a infiltré un agent. Josiane, assistante de la secrétaire de direction. Elle a surpris une conversation en faisant semblant de rappeler un rendez-vous au patron. Cambon était en train de se positionner pour une promotion. C’est moi qui aie dû informer la mère Perlin qui était verte de rage ! »
« Donc, vous avez un réseau souterrain. »
« Evidemment, comment voulez-vous que je fasse autrement ? Je ne vais tout de même pas relayer les informations que tout le monde connait ! »
« Et pour le troisième gamin de la mère Toubin, vous avez fait comment ? »
« Là, Perlin était sur le coup. Mais on a recruté juste à temps Mélanie au service du personnel, elle voit passer tous les certificats médicaux. »
« C’est très indiscret ! C’est même interdit de révéler des informations sur le personnel ! »
« N’empêche que les patrons ont pu organiser le remplacement de la mère Toubin, grâce à moi. »
« Et au service logistique, comment ça se passe en ce moment ? »
« C’est ennuyeux : depuis le départ de Boulard, je n’ai plus d’oreille. On ne sait rien. J’ai approché la mère Dugenou, mais elle est copine avec la mère Perlin. »
« Gérer un réseau comme le vôtre ça doit vous demander beaucoup de travail ! »
« Vous ne pouvez pas vous imaginer : je suis sur le pont toute la journée. Il faut en plus que je code les messages que j’envoie à mes agents. »
« Vous avez un exemple. »
« Bien sûr. Tenez par exemple, celui-là : bientôt le printemps, surveillez le cerisier. »
« La fille du patron qui s’appelle Cerise va se marier. Il faudra que nous soyons les premiers à le féliciter. Si Perlin apprend ça, elle est capable de faire une quête pour lui faire un cadeau. Nous ne sommes pas aussi serviles qu’elle, tout de même ! »
« C’est dommage cette rivalité ! Vous pourriez passer un accord avec la mère Perlin pour monter in consortium. Il y a des économies d’échelle à faire. A propos vous ne savez pas la dernière ? Vous finissez à la fin de la semaine ! »
L’histoire du marin et de son parrain
13 avril, 2020Une apparition
12 avril, 2020« J’ai eu une apparition, la semaine dernière. C’était Mollard, mon patron, entouré du Diable et d’un escadron de diablotins aux visages mauvais. »
« Qu’est-ce qu’ils ont dit ? »
« Mollard a dit que si mon chiffre d’affaires continuait à baisser, les diablotins reviendraient me kidnapper et me feront cuire dans leurs grandes marmites. Pendant ce temps, les diables agitaient leurs fourches et en récitaient des poèmes maléfiques. »
« Et Mollard ? »
« Evidemment, il était ravi. Il se frottait les mains avec le sourire sournois de celui qui va te supprimer 4 ou 5 jours de RTT. »
« Qu’est-ce que t’as fait ? »
« J’ai réveillé Josiane. Evidemment, elle était furieuse. Elle m’a dit qu’elle ne voyait aucun diable dans la chambre et que je devrais arrêter avec la bière. »
« Le lendemain, j’ai croisé Mollard. En me regardant fixement, il continuait à se frotter les mains et à arborer le même sourire sournois. En plus, il faisait exprès des allusions diaboliques. Par exemple, il commençait ses phrases par : ‘c’est bien le diable si ‘ »
« Il n’y a pas de doute, il est connecté avec Lucifer. Il faut porter plainte. »
« C’est ce que j’ai fait, mais le gendarme de service a refusé de prendre une plainte contre le Diable ni contre Mollard au seul prétexte qu’il se frotte les mains en me regardant de manière sardonique. Comme j’insistais, il m’a menacé de la cellule de dégrisement. »
« C’est assez spécial comme histoire. Ils sont revenus après cette nuit ? »
« Oui, il y avait bien une cinquantaine de diablotins à la peau rouge, leur chef et Mollard à leur tête, évidemment. Et le système d’alarme ne les a pas détectés. Le type de la télé surveillance m’a prié d’arrêter de lui casser les pieds avec des histoires à dormir debout. »
« Alors qu’est-ce que t’as fait ? »
« Je ne me suis pas dégonflé. Je suis allé voir Mollard dans son bureau et je l’ai prié de ne plus venir chez moi en pleine nuit, accompagné de sa garde prétorienne aux doigts de pieds fourchus.»
« Qu’est-ce qu’il t’a dit ? »
« Il m’a dit : mon petit Dugenou, vous vous sentez bien ? Avec l’air du type qui s’adresse au pauvre cinglé qu’il ne faut pas bousculer. »
« C’est grave. »
« En plus, il m’a offert 8 jours de congé, soi-disant pour me reposer, mais il veut en profiter pour revenir me visiter avec sa bande de chenapans. »
« Alors qu’est-ce que t’as fait ? »
« J’ai accepté la semaine de congés. J’en ai profité pour contacter Lucifer et lui proposer un marché. Il m’a dit que ça l’intéressait. Cette fois, c’est moi qui suis aller voir Mollard en pleine nuit avec Satan et sa bande de boyscouts. »
« Il était content, Mollard ? »
« Non ! Surtout lorsque je suis revenu au boulot et que je me frottais les mains en le fixant d’un air sournois. »