Campagne électorale
« Ne confondons pas vie publique et vie privée ! »
« Peut-être, mais moi j’ai besoin de bien vous connaître pour savoir si je peux vous faire confiance. Comment vous confier les finances publiques si vous êtes endetté jusqu’au cou ? »
« Comme si j’étais du genre à taper dans la caisse pour mes besoins personnels ! »
« Je peux vous éviter cette tentation. Quand on détient le pouvoir, on est vite porté à croire que tout est permis. Si vous n’êtes pas élu, remerciez-moi : je vous aurais rendu le service de ne pas être happé par l’ivresse du pouvoir. »
« Je préfèrerais vous remercier de voter pour moi. »
« Il faudrait que je sache aussi si vous trompez votre femme. Si c’est le cas, vous êtes un homme peu loyal. Vous imaginez un polisson à la tête du pays ? »
« De ce côté-là, vous pouvez être tranquille, j’ai des mœurs très convenables. Ce qui ne m’empêche pas de protester contre cette obligation de révéler toute ma vie privée. »
« Et vos impôts, vous les payez ? Pas de phobie administrative ? »
« Je paie tout ce que je dois. Je n’ai pas de magot à l’étranger. Mes enfants ne sont pas en prison. Ma villa du midi a été construite dans des conditions légales… »
« Je vois ce que c’est : j’ai affaire à un candidat parfait, ce qui est suspect. N’auriez-vous pas un vice caché. Le jeu ? L’alcool ? La drogue ? Un cousin en affaire avec un tyran africain ? Une grand-mère qui a collaboré sous l’occupation ? »
« Euh… il y a bien le voisin de l’oncle Jacot qui tourne des films coquins… »
« Et voilà, j’en étais sûr, une famille de pervers ! Comment vous confier les clés du pouvoir dans ces conditions ? Je vais sûrement m’abstenir parce que figurez vous que la fille de la cousine de la charcutière de votre concurrent a triché pendant un examen partiel de maths. »
« En effet, je suis outré. »
« Remarquez… on peut peut-être s’arranger. Si vous promettez de faire sauter mes PV, de subventionner mon entreprise, de donner un poste important à mon cousin… je pourrais être pris d’intérêt pour votre programme politique. »
« Vous croyez donc que je suis un être vénal ! »
« Le terme me choque un peu, monsieur. Je dirais que comme tout le monde, vous préférez votre intérêt privé à l’intérêt collectif. »
« Je vois ce que c’est : monsieur est un anarchiste. Pour vous, voter ne sert à rien. »
« Ne vous énervez pas… on parle. Si vous vous agacez, je vais être obligé d’en déduire que vous n’aimez pas le dialogue. Comment votez pour quelqu’un qui n’apprécie pas la concertation ? »
« Il y a des lois qui vous permettent de voter pour qui vous voulez. Moi, je vais faire une loi pour permettre au candidat de refuser le vote de casse-pieds comme vous ! »
« Ce serait original, mais pour moi, ce sera une raison de plus pour ne pas voter pour vous. En vous présentant vous prenez le risque d’être projeté sur la scène publique où n’importe quel citoyen vous cassera les pieds. Vous voyez bien que je vous rends service. »
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