Archive pour février, 2020

Les enquiquineurs

18 février, 2020

« Je suis l’hiver. J’aime autant vous dire que je ne rigole pas. Je leur mets de la neige, du froid, du blizzard, un peu de brouillard pour agrémenter tout ça et hop ! »

« Et moi, je suis l’administration fiscale. Je ne suis pas en reste. Je leur flanque des amendes, des contrôles, des redressements en veux-tu en voilà ! »

« Et moi, je suis les forces de l’ordre ! Ils regimbent, ils protestent ! Allez hop ! Matraque, canon à eau, menottes, arrestations et tout le toutim ! »

« Quant à moi, je suis le système bancaire ! Ils peuvent compter sur moi pour ne pas avoir la paix : agios, droits de garde, frais de tenue de compte. Je suis intraitable : je n’y vais pas avec le dos de la cuiller. »

« Nous, le syndicat patronal, nous sommes les vraies terreurs : bas salaires, conditions de travail épouvantables, chômage technique, licenciements… ça y va !

« Et nous alors, les plateformes téléphoniques, vous ne croyez tout de même pas qu’on leur facilite la vie. Quand ils appellent nous laissons sonner longtemps, quand on décroche ça leur coûte de l’argent, on leur passe le poste de la personne compétente qui n’est pas là, alors ça resonne dans le vide… et parfois, on coupe tout pour se défouler. »

« Ne nous oubliez pas, nous sommes les chaines de télé. Nous sommes nombreuses : plusieurs centaines. Nous mettons un point d’honneur à leur montrer des programmes sans intérêt, nous nous refilons les mêmes films pendant 6 mois, on leur inflige de la télé-réalité en pagaille… Nous sommes indispensables et imbuvables. »

« Je vois ce que c’est… je ne suis pas invité. Pourtant, moi les transports ferroviaires, je suis très convenable : j’organise les retards ou la suppression des trains ; quand ils veulent des correspondances, elles sont parties avant qu’ils arrivent. Bref, je ne facilite rien ! »

« Bon, ce n’est pas tout ça, mais il faut s’organiser pour ne pas les laisser respirer » dit l’Hiver. « Moi, je me déchaîne pendant trois mois, mais il leur reste du temps. »

« Et moi, je les reprends au printemps. C’est à ce moment qu’ils ont le moins d’argent ! » dit l’administration fiscale. »

« Moi, je leur prends du fric pendant toute l’année », rétorque le système bancaire. « Je les essore bien et le travail de tous les autres s’en trouve plus simplifié. »

« Il serait bien d’étaler les motifs de mécontentement toute l’année pour faciliter nos plannings d’interventions musclées » disent les forces de l’ordre.

« Il faut faire attention : pendant le mois d’août, on a l’impression que certains sont tranquilles dans leur coin. » di quelqu’un.

« Pas de problème » répondent les patrons « On a la canicule qui vient nous donner un coup de main. »

« Et pour Noël ,qu’est-ce qu’on fait ? »

« Il faudrait prendre rendez-vous avec le père Noël », disent les forces de l’ordre. « Nous pourrions lui interdire l’accès à certaines cheminées. »

« Veillons également qu’aucun territoire ne nous échappe » dit l’hiver. « J’en ai marre de voir des gens qui se prélassent les doigts de pieds en éventail sur les plages ! Le mieux serait d’en parler avec le ciel pour qu’il multiplie les coups de soleil. »

C’est l’heure du thé

17 février, 2020

Cet été,

L’athée

Raté

Et pas futé

N’a pas lutté.

Il a pris la pâtée.

Il est buté !

Bonté !

Un casseur

16 février, 2020

« Je suis un casseur. »

« Ah bon ? Et pourquoi vous casser ? »

« Parce que la société m’énerve. Dans les rues, les marchandises, les richesses et l’argent coulent à flots. C’est ce qui m’exaspère. Donc je casse. »

« Pourtant, il suffit de travailler pour s’acheter honnêtement ce dont vous avez besoin pour vivre. »

« Peut-être, mais pourquoi tout est une question d’argent ? Il pourrait y avoir des biens collectifs qui appartiendrait à tout le monde comme l’air qu’on respire. »

« Je vois ce que c’est, monsieur est un idéaliste. Alors, il casse. »

« Peut-être. De toute façon, tous ceux qui sont enfermés dans leur tour d’argent et leurs certitudes de nantis m’énervent. Donc je casse. »

« Vous avez la haine du bourgeois ? »

« Je dépasse le stade de la haine. Je suis un nihiliste. Plus rien ne doit exister, tout doit être détruit surtout le pouvoir et l’argent. Donc je casse tout.»

« Vous comptez faire une carrière professionnelle dans le nihilisme. »

« Le concept de carrière va disparaitre. C’est la meilleure façon de fabriquer de la jalousie, de la frustration, de la surconsommation. »

« J’y suis : vous êtes écolo. Vous vous battez pour la protection de l’environnement. »

« L’environnement ? Même dans ce domaine, il y a de la ségrégation sociale. Tout le monde ne peut pas aller n’importe où : vous allez passer quinze jours à Courchevel vous ? Ou sur les plages de Saint-Tropez ? Ce sont encore des espaces réservés. Donc je casse. »

« Faire du sport ? Et m’acheter des baskets avec des brillants dessus, hors de prix, pour le plaisir de financer des grandes marques internationales d’équipement. Vous m’avez bien regardé ? Donc, je casse et pas qu’un petit peu. »

« Aujourd’hui, il y a des mesures pour aider les plus fragiles. »

« Je ne suis pas fragile. Si vous voulez parler des pauvres, je trouve humiliant de faire la queue auprès de guichets pour quémander de quoi vivre. Je suis humilié, donc je casse. »

« Mais la société se défend. Vous allez finir en prison si ça continue. »

« J’espère bien, ça me donnera encore un peu plus de motivation. On a tous besoin d’une résistance pour agir. Et moi quand j’agis, je casse. »

« Je comprends : vous manquez d’idéal. C’est vrai qu’on ne vous en propose plus beaucoup. Passer son week-end dans les allées d’un supermarché, ce n’est pas euphorisant ! »

« Bon ! On parle… on parle…mais je n’ai encore rien cassé aujourd’hui. Je peux casser votre voiture ? »

« Euh… c’est que je n’ai pas fini de la payer ! »

« Et votre maison, je peux la ravager ? »

« Mon pauvre : ma voiture appartient au concessionnaire, ma maison à la banque, mon frigo à la grande marque d’électro-ménager… ce qui m’arrangerait c’est que vous cassiez mes crédits ! »

Le page et le sage

15 février, 2020

Un page

Pas sage

Sort de sa cage.

Avec un mage

Hors d’âge,

Ils nagent

Dans le Tage

Sous l’orage

Qui rage.

Régine est malade !

14 février, 2020

A Ugine

Ma frangine

Régine

A une angine.

Dans son jean

Elle cuisine un tajine

Avec des aubergines

En buvant un verre de jin.

Tout flatteur vit…

13 février, 2020

« Arrêtez de me flatter ! »

« Ah bon ! Vous n’aimez pas ? »

« C’est très gênant. Je ne suis pas aussi extraordinaire que vous le dites. »

« Si, si ! Vous êtes un directeur intelligent et particulièrement efficace. Il faut bien que quelqu’un vous le dise, sinon vous allez demander si vous êtes assez intelligent. »

« En effet, je pourrais me sentir dominé par d’autres, ce qui m’affecterait gravement. Mais il faudrait me flatter plus finement pour que je n’ai pas l’air de rechercher les compliments, ce qui me ferait passer pour un être imbu de sa personne, c’est-à-dire le contraire d’un type intelligent. »

« Comment faut-il faire pour bien vous flatter ? »

« Par exemple, vous pourriez dire du bien de moi à quelqu’un d’autre en lui spécifiant de ne pas m’en parler, tout en sachant qu’il le fera quand même. »

« C’est assez malin. »

« Oui, comme ça je ne serai pas gêné par vos compliments. Mais il faut bien choisir la personne en question. Il ne faudrait pas qu’elle oublie de m’en parler. »

« Sinon, j’ai une autre idée. Je pourrais dénigrer votre personne devant des gens qui pensent du bien de vous. Comme ça, ils s’empresseront de vous adresser des compliments pour vous défendre ! »

« Non, ça ne fait que déplacer le problème. Mais finalement … pourquoi tenez-vous tant à me flatter ? Je trouve ça suspect. »

« Je flatte beaucoup, ça peut servir pour mon destin professionnel. Le renard de La Fontaine est un exemple pour tout une génération. »

« Oui, mais je ne suis pas aussi bête que le corbeau. Je pourrais me fâcher et vous accusez d’une manipulation honteuse, ce qui ne facilitera pas votre carrière ! »

« Cela vous mettrait en difficulté, tout le monde dirait que vous êtes colérique et d’un abord très difficile. Votre réputation auprès de vos partenaires serait compromise ! »

« Bon d’accord … mais si vous continuez à me flatter, je vais considérer que vous n’êtes qu’un petit monsieur, un flagorneur qui ne pense qu’à ses intérêts au lieu d’agir en pensant à la collectivité de l’entreprise. »

« Erreur, je pense à l’entreprise puisqu’en valorisant des hommes comme vous, j’améliore le potentiel collectif. Quand on a un excellent joueur dans une équipe, il faut le mettre en situation de s’exprimer pleinement pour qu’il tire le collectif vers le haut. »

« Et si je disais partout du mal de vous ? »

« Ce serait un très mauvais calcul. Cela reviendrait à dire que vous avez autour de vous de vils flagorneurs, c’est très mauvais pour l’image de l’entreprise et la vôtre, ça tirerait le niveau vers le bas. »

« Bon… bon… j’ai compris ! Flattez-moi, mais faites en sorte que je ne m’en aperçoive pas. Vous pouvez ouvrir des yeux béats d’admiration quand je parle, par exemple. »

On échange ?

12 février, 2020

« Je vous envie. »

« Ah bon ? Pourquoi ? »

« Vous avez une belle maison, une magnifique voiture, une femme charmante, des gamins dégourdis et vivants. Quelles réussites ! »

« Oui, mais tout ça me donne beaucoup de soucis. La maison, il faut la payer. La voiture ne marche pas bien. Ma femme veut toujours sortir. Mes gamins veulent faire la révolution. Et moi, pendant ce temps, il faut que je bosse pour nourrir tout le monde. »

« Ne me dites pas que vous voudriez toucher le RSA pour être tranquille. »

« Non peut-être pas, mais je voudrais être riche tout en bénéficiant d’un peu de tranquillité. Je ne supporte pas ma charge mentale. »

« Si ça vous arrange, je vous propose mon studio pourri. Vous seriez tranquille, vous ne pouvez pas le pourrir davantage. »

« Je pourrais m’effondrer sur un canapé déchiré et regarder la télé toute la journée en pyjama et en buvant des bières ? »

« Tant que vous voulez. Je vous propose des périodes d’essai. »

« Oui, mais je préfèrerais faire des sortes de stages de temps à autre pour décompresser. Le confort ça a aussi son charme. »

« D’accord pour des stages de résidence pourrie. Pour la bagnole, je vous propose ma Dauphine version 58. On arrive à la faire démarrer par beau temps, mais pour l’arrêt rien n’est garanti. Bien sûr, il y a longtemps qu’elle n’est plus assurée. »

« Pas de problème. Je veux essayer. Dans mon quartier, le vintage, ça a un chic fou. Et pour ma femme qui veut sortir tous les soirs, vous pouvez faire quelque chose ? »

« Je peux l’accompagner si vous voulez. »

« Non, c’est-à-dire que je ne vous vois pas trop avec elle. Elle adore monter les marches de l’Opéra, endiamantée jusqu’au cou, en robe du soir… Alors vous, avec votre grosse canadienne… »

« Je pourrais l’emmener dans des endroits un peu canailles. Elle aime ? »

« Non, c’est moi qui n’aime pas trop. Si vous pouviez venir à la maison pour la décharger des tâches ménagères, ce serait déjà pas mal. »

« C’est-à-dire que je ne suis pas très bon en ménage. »

« Pour les enfants que vous m’enviez tant, il n’y a pas de problèmes. Je peux vous les envoyer quand vous voulez. »

« Si c’était possible, j’aimerais attendre qu’ils grandissent un peu. Je n’ai pas trop envie qu’ils me volent mon portable ou qu’ils squattent mon ordinateur. »

« Vous êtes bien vu au commissariat de quartier ? »

« Non, pas trop. »

« C’est dommage parce qu’il faudra souvent aller chercher les gamins au bloc. »

L’histoire du pauvre ramoneur

11 février, 2020

Le ramier

Du ramoneur

Ramène

Un rameau

A Ramona

Qui joue au rami

Avec un ramassis

De rats minables.

Il s’en passe des choses dans les Alpes-de-Haute-Provence !

10 février, 2020

A Digne, il est digne.

Le mousse boit une mousse,

Puis dévore une poire avec espoir

Et va au ciné avec sa dulcinée.

Devant la gare, il fume le cigare.

Chez lui, ils sont trois à l’étroit.

Il y a un cubain qui prend des bains.

Quant au chauffeur de corbillard, il va passer sur le billard.

Le courrier de madame

9 février, 2020

« Oreste ! Veuillez porter ce pli à monsieur Dugenou, en ville ! A remettre en mains propres évidemment ! »

« Madame ne préfère pas envoyer un mail à son ami ? »

« Non, madame ne préfère pas. Depuis huit générations, on écrit nos lettres à la main dans notre famille, ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer. »

« Pourtant, la télématique ouvre de merveilleuses perspectives. »

« Tapoter sur un clavier n’est pas une merveilleuse chose. Mes doigts malhabiles se trompent systématiquement de touches et je dois tout le temps revenir en arrière. Je mets six minutes trente pour écrire « bonjour ». »

« Remarquez … Monsieur Dugenou va être enchanté de recevoir un pli rédigé par les mains de madame. Il aura un doux moment de fébrilité lorsqu’il le décachètera. »

« Vous attendrez sa réponse évidemment. »

« Et s’il veut répondre par mail ? »

« Il ne me verra plus. Je ne veux pas d’un homme qui ne dispose pas d’une écriture élégante. Rappelons-nous tous que nous avons appris à écrire, Oreste ! Former de belles lettres avec des rondeurs, des pleins et des déliés, c’est une vraie discipline de l’esprit. »

« C’est vrai. Mais je me permettrais de faire remarquer qu’à une époque où la rapidité est devenu une vertu cardinale, un petit mail de temps en temps est très efficace. »

« Et pourquoi pas un message sur facebook, Oreste ! Vous tenez à ce que mes relations personnelles soient connues jusqu’aux fins fonds de la Sibérie. »

« Je ne doute pas de l’importance de la vie sentimentale de madame, mais les hakkers étrangers s’attaquent plutôt à des objectifs stratégiques au niveau national. »

« Il n’y a pas besoin de hakkers. Imaginez que la femme de monsieur Dugenou parvienne à ouvrir sa boîte aux lettres ? »

« Ce serait en effet un évènement fâcheux. Mais je me permets de faire remarquer à madame que je peux me faire attaquer en pleine rue par une bande de vauriens qui pourraient me dérober le pli que madame a rédigé à l’intention de monsieur Dugenou. »

« Vous aurez sûrement remarqué Oreste que le pli que je vous confie est imprégné de mon doux parfum. Quelqu’un a-t ’il inventé le mail qui exhale des senteurs aussi délicieuses ? Si c’est le cas donnez-moi vite son adresse informatique. »

« Il est vrai que monsieur Dugenou se plait à humer longuement les écrits de madame avant de les ouvrir. Cela fait partie du charme de vos relations. »

« Bon Oreste, il faut y aller. Et ne vous trompez pas comme hier lorsque vous avez porté mon pli à monsieur Dumollard qui me harcèle de textos depuis six mois pour me faire part de ses sentiments. Pff… Un homme qui n’a jamais vu une écritoire ni même un stylo. »

« C’est-à-dire que je ferais remarquer à madame que monsieur Dumollard est très riche. »

« Ah bon ? Alors j’ai peut-être eu tort de le vilipender sur Tweeter. Je vais faire une mise au point. »

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