Archive pour le 12 février, 2020

On échange ?

12 février, 2020

« Je vous envie. »

« Ah bon ? Pourquoi ? »

« Vous avez une belle maison, une magnifique voiture, une femme charmante, des gamins dégourdis et vivants. Quelles réussites ! »

« Oui, mais tout ça me donne beaucoup de soucis. La maison, il faut la payer. La voiture ne marche pas bien. Ma femme veut toujours sortir. Mes gamins veulent faire la révolution. Et moi, pendant ce temps, il faut que je bosse pour nourrir tout le monde. »

« Ne me dites pas que vous voudriez toucher le RSA pour être tranquille. »

« Non peut-être pas, mais je voudrais être riche tout en bénéficiant d’un peu de tranquillité. Je ne supporte pas ma charge mentale. »

« Si ça vous arrange, je vous propose mon studio pourri. Vous seriez tranquille, vous ne pouvez pas le pourrir davantage. »

« Je pourrais m’effondrer sur un canapé déchiré et regarder la télé toute la journée en pyjama et en buvant des bières ? »

« Tant que vous voulez. Je vous propose des périodes d’essai. »

« Oui, mais je préfèrerais faire des sortes de stages de temps à autre pour décompresser. Le confort ça a aussi son charme. »

« D’accord pour des stages de résidence pourrie. Pour la bagnole, je vous propose ma Dauphine version 58. On arrive à la faire démarrer par beau temps, mais pour l’arrêt rien n’est garanti. Bien sûr, il y a longtemps qu’elle n’est plus assurée. »

« Pas de problème. Je veux essayer. Dans mon quartier, le vintage, ça a un chic fou. Et pour ma femme qui veut sortir tous les soirs, vous pouvez faire quelque chose ? »

« Je peux l’accompagner si vous voulez. »

« Non, c’est-à-dire que je ne vous vois pas trop avec elle. Elle adore monter les marches de l’Opéra, endiamantée jusqu’au cou, en robe du soir… Alors vous, avec votre grosse canadienne… »

« Je pourrais l’emmener dans des endroits un peu canailles. Elle aime ? »

« Non, c’est moi qui n’aime pas trop. Si vous pouviez venir à la maison pour la décharger des tâches ménagères, ce serait déjà pas mal. »

« C’est-à-dire que je ne suis pas très bon en ménage. »

« Pour les enfants que vous m’enviez tant, il n’y a pas de problèmes. Je peux vous les envoyer quand vous voulez. »

« Si c’était possible, j’aimerais attendre qu’ils grandissent un peu. Je n’ai pas trop envie qu’ils me volent mon portable ou qu’ils squattent mon ordinateur. »

« Vous êtes bien vu au commissariat de quartier ? »

« Non, pas trop. »

« C’est dommage parce qu’il faudra souvent aller chercher les gamins au bloc. »