Pouvoir râler !
26 janvier, 2020« C’est un scandale ! »
« Quoi ? Qu’est-ce qu’il vous arrive ? »
« Rien, justement. Je n’ai pas de scandale à dénoncer aujourd’hui. J’ai l’air de quoi maintenant ? »
« Allons, allons ! Cherchons bien ! Il y a forcément un ministre qui a oublié de déclarer son pognon ? Ou alors une vedette de la chanson qui divorce pour la quinzième fois ? Ou bien votre charcutier qui est parti en vacances sans vous prévenir ? Si on en cherche, on en trouve ! »
« Moi, je n’ai pas de chance. J’ai une femme qui fait attention à moi. Des gamins qui travaillent bien à l’école. Comment voulez-vous que je râle ? »
« En effet, c’est difficile. Vous ne pouvez même pas dire pis que pendre des profs comme tout le monde. »
« Le mieux, ce serait que je dénonce vos privilèges. »
« C’est-à-dire que je n’en ai pas beaucoup.»
« On vous a attribué la place de parking que je convoitais par exemple.
« Oui, mais vous ne venez pas en voiture. »
« Ah mince ! C’est vrai ! Si on râlait ensemble contre Dugenou qui a un bureau plus grand que les nôtres ! Ce n’est pas un scandale ça ? »
« Si, mais tout le monde s’en fout. On pourrait aussi se plaindre de la cantine qui ouvre à midi trente ! Comme s’il était interdit d’avoir faim avant ! »
« En effet, je suis outré. Et qu’est-ce que vous pensez de la température dans les bureaux. On pourrait s’indigner : il fait trop froid. »
« Mais moi, je trouve qu’il fait trop chaud ! »
« J’ai mieux : on pourrait révéler que le patron et Odette… Vous voyez ce que je veux dire… Là, on tient un scandale à rebondissements. »
« Ce n’est pas possible, on lui a déjà fait le coup avec Thérèse, et après avec Josiane, ça va finir par ne plus être crédible ! »
« La direction n’y met pas du sien. On dirait qu’ils sont contents quand on n’a pas de motifs pour râler. »
« On pourrait dénoncer le scandale de l’absence de scandale. »