On est plusieurs
22 décembre, 2019« J’ai rêvé cette nuit. Quand on y réfléchit, c’est étonnant cette capacité du cerveau à nous générer des images sans qu’on ne lui ait rien demandé. »
« Voilà qui confirme ce que je pensais : nous sommes plusieurs dans la même enveloppe corporelle. Il y a celui qui s’amuse à faire du cinéma dans notre tête en profitant de notre sommeil. Et moi, j’ai aussi celui qui me dit que ce que je fais est bien ou est mal. »
« C’est qu’on peut appeler le sens moral. C’est d’ailleurs stressant. On peut se demander de quoi il se mêle. »
« Le plus difficile, c’est de faire comme s’il n’était pas là. Plus on l’ignore, plus il s’incruste. »
« Dans le style sans-gêne, on a aussi celui qui vous dit ce que vous devez faire. Comme si on n’avait pas le sens du devoir sans lui. »
« Et le pire, c’est que si on ne fait pas ce qu’il dit, il va chercher celui qui est chargé de nous rendre coupable de façon que nous nous sentions humiliés par nous-mêmes. »
« Et celui qui vous fait dire des mensonges, alors que nous sommes des êtres pétris d’honnêteté, vous l’avez aussi ? »
« Le spécialiste en hypocrisie ? Bien sûr que j’en ai un aussi. C’est celui qui me fait répondre « je n’ai pas le temps » chaque fois que mon patron ou Josiane me demandent quelque chose qui m’embête. »
« Il y a un monde fou à l’intérieur de nous. On n’est jamais tranquille. Vous connaissez celui qui vous pousse à prendre votre plaisir là où vous le trouvez ? »
« Celui qui me fait entrer dans la pâtisserie de madame Pichon pour me goinfrer de chou à la crème ? Oui, bien sûr qu’il est là ! D’ailleurs je le tiens à l’œil. Si je le laissais faire, je m’enfilerais aussi un éclair au chocolat. »
« Et le type qui vous oblige à vous lever à dix heures, le dimanche matin pour préparer le petit déjeuner à Josiane. Celui-là, si je le tenais… Il doit être de mèche avec Josiane, ce n’est pas possible autrement. »
« Moi, j’en veux aussi à celui qui me contraint à regarder le foot à la télé au lieu de me cultiver avec un bon film. »
« Nous avons beaucoup de mérite à leur résister. Sans nous, ce serait le bordel ! »