Tout flatteur vit…
29 septembre, 2019« Vous êtes un homme beau, distingué, intelligent. C’est un vrai plaisir de vous rencontrer. »
« Vous n’avez pas fini de me flatter ? »
« Je flatte ? Moi ? Un être plein de sincérité comme moi ne flatte pas, monsieur : il complimente ! »
« Vous ne flattez pas, vous flagornez. C’est encore pire. Aujourd’hui, il n’est pas possible de complimenter son voisin à cause de son allure. C’est interdit ! Il y a un décret à ce sujet. »
« Ah bon ? Pourquoi ? »
« C’est un décret dit du ‘corbeau et du renard’. Depuis La Fontaine, la flagornerie est très suspecte. »
« Suspecte de quoi ? »
« Vous rêvez de me voler mon fromage, c’est très clair ! »
« Bon, alors je fais quoi, moi ? »
« Dénigrez-moi. Dites du mal de moi. Je suis sûrement prétentieux, outrecuidant, égoïste, caractériel. Enfin… quelque chose comme ça ! »
« C’est permis de dire ça ? »
« Oui, c’est même recommandé. En société, démolir la réputation de quelqu’un, ça montre que vous n’êtes pas n’importe qui et qu’il vaut mieux ne pas vous chercher. Non mais alors ! »
« Je ne sais pas trop démolir les gens. Le mieux, ce serait que vous disiez du mal de moi, comme ça je pourrais vous mépriser. »
« Vous méprisez bien ? »
« Plutôt pas mal. C’est permis ça ? La Fontaine n’a rien écrit là-dessus ? »
« C’est possible. Mais faites attention, moi je pourrais très bien vous toiser du regard chaque fois que je vous rencontrerai ! »
« Si vous toisez, je vous lancerai un coup d’œil narquois. Je nargue très bien. »
« Bon d’accord, avant d’en venir à de telles violences regrettables, je vais vous signer un laissez-passer : vous pourrez me lécher les bottes le lundi, le jeudi et la moitié des vacances. »