Archive pour le 1 août, 2019

Une année dans la bonne humeur

1 août, 2019

« Je bronze. »

« A part attraper des maladies de peau, ça sert à quoi ? »

« A faire le malin à la rentrée. Tout le monde me trouvera bonne mine. Pendant deux minutes trente, je serai le centre d’attraction. »

« Au bout d’un mois, vous aurez une mine blanchâtre, le visage hâve, des cernes bleuâtres sous les yeux, la paupière tombante, les traits tirés… comme tout le monde. »

« Vous avez raison : le mois d’octobre est très cruel. On a juste le droit de se rappeler la bonne allure qu’on avait en septembre. »

« Alors on se gave de desserts à la cantine pour oublier tout ça et on devient obèse. Les joues sont boursouflées, le teint est terreux, le cheveux terne… »

« Par là-dessus arrive le mois de novembre qui se charge de vous abattre le moral pour le cas bien improbable où il vous resterait un peu de dynamisme. »

« C’est le mois où je ne ressemble plus à rien : le front est soucieux, les yeux sont rougis, le nez est obstrué, les plis de la bouche deviennent amers. Bref, je ne voudrais pas me rencontrer pendant un mois de novembre. »

« Quant à décembre, ne m’en parlez pas. Ma couperose ressort très bien, les paupières sont gelées, les yeux vitreux, les oreilles sont rouges… Tout va bien. »

« En janvier, ça s’améliore, j’ai la peau flasque, les lèvres gercées, le nez épaté, le regard fuyant, surtout quand on me demande si j’ai passé un bon noël. »

« En février, il faut que j’emmène Josiane au ski. C’est obligatoire, quasiment statutaire. Quand je reviens, j’ai le visage noir ou alors rouge si j’ai oublié ma crème. Mais ça ne fait pas « bonne mine » comme en septembre, sans doute parce je suis tout blanc autour des yeux. »

« En plus, moi je prends trois kilos. Il faut se nourrir de spaghettis pendant huit jours pour payer les forfaits et le studio minuscule. »

« Et au mois de mars, revoilà enfin le printemps. Ne me dites pas que votre physique en pâtit. »

« Si, justement, c’est un mois à problème. Je constate les dégâts de l’hiver. J’ai l’œil glauque, l’haleine fétide, les joues flasques. Vous croyez que ça me met de bonne humeur ? »

« Je comprends. Je n’ose même pas parler d’avril. On se croit débarrasser des intempéries, mais il pleut si bien que l’aigreur et le ressentiment se lisent sur mon visage. »

« Sur le mien aussi, ce n’est rien à côté de mai et juin. Ce sont les mois où il faut déjeuner dehors. Le résultat, c’est que j’attrape plein de piqures d’insectes et je suis tout rouge. »

« Quant aux week-ends à rallonge, c’est juste l’occasion de se disputer avec les collègues de bureau pour obtenir des ponts. Je perds ainsi mes meilleurs amis. La méchanceté dégouline de mon visage jauni par le fiel que j’ai du déployé pour me mettre en congé pour le vendredi de l’ascension ! »

« Il reste juillet, le mois le pire. On se croit en vacances, mais on ne l’est pas. Je deviens acariâtre, Josiane encore plus. Nos visages se décomposent, la bave coulent au coin des lèvres, les regards deviennent bovins. »