Conversation
28 juillet, 2019« Vous avez un sujet de conversation ? »
« Euh… je pourrais m’interroger à haute voix sur la canicule, en me désolant sur ses effets néfastes sur l’agriculture. »
« Non, ça ne m’intéresse pas, j’ai déjà entendu ça à la télé hier soir. »
« Vous qui êtes si malin, vous en avez un, un sujet de conversation ? »
« Oui, j’ai la réussite de mon gamin au bac. Mais ne me demandez pas ce qu’il compte faire avec ça, je ne suis même pas sur qu’il ait compris qu’il devait faire quelque chose ! »
« Bon… ça ne m’intéresse pas non plus. »
« Nous pourrions nous demander si nous partons. En plein été, ça se fait. »
« Oui, mais non. D’abord, je me demande pourquoi les gens éprouvent le besoin de ficher le camp de chez eux dès qu’ils sont en congé. Ensuite, imaginez que je n’ai pas les moyens de m’offrir des vacances en bord de mer, vous seriez bien gêné de me poser ce genre de question. »
« Je ne peux pas non plus vous demander ce que vous lisez actuellement. Si vous êtes complètement inculte, je vais vous embarrasser aussi. »
« Le mieux serait de trouver un sujet sur lequel nous serons forcément d’accord. Par exemple, plaignions-nous de nos gamins respectifs. Il y a bien des chances que nous ayons les mêmes, c’est-à-dire des êtres à deux pattes qu’on ne peut pas décoller de leur écran. »
« Voilà un bon sujet. Nous pourrions prolonger en nous rappelant d’un air entendu que nous étions beaucoup plus cultivés qu’eux à leur âge. »
« Super ! Nous venons de gagner trois minutes et demie de conversation. Vous en avez d’autres comme ça ? »
« C’est-à-dire que tant que le championnat de Ligue 1 n’a pas repris, c’est délicat. Je ne peux même pas vous dire : t’as vu le match hier soir ? »
« Je connais un sujet qui supporte toutes les saisons : les grèves dans les transports. Si ce n’est pas les trains, c’est les avions, … On peut se plaindre été comme hiver, tout en trouvant légitime le combat de salariés pour leur droit, évidemment. »
« Finalement, la plupart de nos conversations consistent à gémir sur notre propre sort. On se demande comment faisait nos ancêtres pour causer entre eux. »
« D’autant plus qu’ils n’avaient pas le foot à la télé, ni Pc, ni téléphone portable pour comparer leur nombre de Mégas je-ne-sais-quoi… »
« Dans les salons on se gaussait des aventures extraconjugales d’un tel avec une telle, ou alors on conspirait contre le roi. »
« De ce point de vue, on s’est bien adapté. Nous pourrions rire de Dugenou qui fait du gringue avec la mère Duchamp de la compta. Pour ce qui est de conspirer, on peut parler de nos gilets jaunes. »
« Là, on est bon. On peut tenir dix minutes ! »