Archive pour le 10 juillet, 2019

Le courrier

10 juillet, 2019

« Vous avez remarqué ? »

« Quoi encore ? »

« On ne s’écrit plus de lettres à la main. On s’envoie des mails. Pourtant les courriers manuscrits, ça avait de la classe. Vous vous rappelez ? »

« Mon pauvre ! On n’en est plus à savoir ce qui a de classe ou pas. On est dans l’efficacité. Et puis c’est tout. »

« Pourtant, quand on écrivait à la plume d’oie sur un parchemin que l’on scellait de son sceau personnel… »

« Euh, maintenant, c’est mail et puis c’est tout. Même la poste est obligée de se reconvertir. C’est au point où l’une des phrases les plus prononcées dans la journée, c’est : t’as reçu mon mail ? »

« … et puis quand j’avais rédigé ma lettre dans un style raffiné, j’agitais une clochette, mon valet se précipitait et je pouvais lui commander : veuillez remettre ce pli à monsieur le comte X. En mains propres, bien entendu. Correspondre, ça avait de l’allure ! »

« Oui, enfin… ça, c’était il y a très longtemps. Essayez maintenant de faire partir votre mail en agitant une clochette … »

« Et le style de vos mails, vous avez vu le style. On ne comprend rien, c’est plein de faute. Il n’y a même plus de formule de politesse. Dans le temps, on pouvait écrire : je vous prie de bien vouloir croire, mon altesse royale, en l’assurance de mes respectueuses et honorables salutations. »

« Maintenant, c’est : salut ! Et puis c’est tout ! »

« Vous m’autorisez à vous envoyer une lettre comme dans le temps ? »

« Moi, je veux bien, mais il va falloir trouver un cavalier pour me l’apporter. En mains propres, bien entendu. Et moi, je vous répondrai par mail. »

« Et les cartes postales ? Pourquoi on ne s’envoie plus de cartes postales. C’était sympa de penser à moi quand vous étiez en vacances. »

« Bof ! J’avais un lot de formules-types que j’utilisais pour tout le monde du genre : bon souvenir de… Et puis pour allonger un peu, je faisais comme tout le monde aussi : on disait toujours qu’on passait de bonnes vacances sous le soleil, même quand on prenait la pluie. Autant utiliser les messages standards dans une bonne messagerie. »

« Les traditions se perdent. La demi-journée consacrée – en plein mois d’août – à rédiger vingtaine de cartes postales, en recopiant le même texte, c’était un moment d’un intérêt absolument délirant. »