Les automates
8 juillet, 2019« J’ai honte, j’agis comme un automate. »
« Comment ça ? »
« Par exemple, quand on me dit : comment ça va ? Je réponds : très bien, même si ça va très mal. »
« C’est idiot, mais on en est tous là. La seule manière de s’en sortir, c’est d’être le premier à dire : comment ça va. Pour mettre l’autre dans l’embarras. »
« Et quand je rentre chez moi le soir, je pousse la porte et je dis : qu’est-ce qu’on bouffe ce soir ? C’est automatique ! Même si je n’ai pas faim. »
« Moi aussi, quand je franchis le seuil de ma maison, j’ai une phrase qui me vient tous les jours, sans que je le veuille vraiment : quelle journée de m… »
« Quand je me couche pour la nuit, j’enlève ma montre et je la mets toujours au même endroit ! Je pourrais changer d’endroit ! Eh bien non ! »
« Remarquez, on n’est pas les seuls à subir une espèce de programmation automatique. Figurez que tous les matins, j’entends Josiane me dire : n’oublie pas de descendre la poubelle ! »
« Effectivement, c’est très agaçant. En plus, on dirait que tous les automates ont été programmés de la même manière. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de gens qui me disent dans la même journée : t’as reçu mon mail ? »
« Le grand manitou des ordinateurs humains n’épargne pas les enfants. Au contraire, plus il programme des jeunes, plus il se frotte les mains. Il faut voir le nombre de fois où mes gamins me sortent : c’est clair ! Ou alors : c’est trop bien ! Ou encore : grave ! »
« Le Grand Informaticien est engagé dans une œuvre néfaste de destruction du langage humain. C’est clair… Enfin, si j’ose dire. »
« La preuve, c’est que lorsque mon patron me dit qu’il a une nouvelle mission pour moi, je m’entends lui répondre à tous les coups : je suis surbooké ! »
« Non seulement le volume de notre vocabulaire se rétrécit, mais dans ce qu’il en reste on trouve de plus en plus d’anglicismes. »
« Aucune importance. Bientôt, on ne communiquera plus que par onomatopées. Avez- vous remarqué qu’on dit de plus en plus : yes ! »