Bonnes résolutions

« J’ai pris une bonne résolution : je ne vais plus en prendre. »

« Prendre quoi ? »

« Les résolutions, je ne les respecte jamais. Par contre, j’ai tendance à respecter celles des autres. Par exemple, je ne fume pas. »

« Ne comptez pas sur moi pour respecter votre résolution de ne plus se goinfrer de choux à la crème. »

« Ce qui m’ennuie, c’est que je ne suis même pas sûr de respecter ma résolution de ne pas prendre des résolutions. »

« Vous avez le temps, les résolutions se prennent pour le 1^er janvier ou à la rigueur à la rentrée de septembre. »

« Oui, mais le fait de ne pas les tenir me culpabilise tout au long de l’année. Par exemple, actuellement, je devrais souffrir comme une bête dans une salle de sport au lieu de parler de choux à la crème avec vous. »

« Je ne vois pas où est le problème : puisque vous avez payer votre abonnement à la salle de sport et que ce sont les autres qui tiennent votre résolution à votre place. »

« J’ai une idée. Je pourrais prendre la résolution de faire ce que j’ai déjà fait. Par exemple, dimanche, j’ai nettoyé ma voiture au lieu d’attendre qu’elle se nettoie toute seule comme d’habitude. Je pourrais donc dire que non seulement j’ai pris la bonne résolution de rendre ma voiture propre, mais en plus je l’ai tenue ! »

« C’est très intéressant ! Nous sommes en pleine mauvaise foi. Petite précision : prendre une résolution, c’est se promettre à soi-même de faire quelque chose de difficile. »

« Pff… Si je ne tiens pas ma promesse, je vais me déconsidérer à mes propres yeux. Vous vous rendez compte de l’état dans lequel vous me mettez ? Je préférerais prendre la résolution de faire quelque chose de facile. Ça compte ? »

« Non, pas vraiment. Il faudrait vous choisir une vraie corvée et prendre la résolution de l’accomplir avec le sourire. »

« Comment voulez-vous que je descende la poubelle avec la banane ? Vous voyez bien qu’il vaudrait mieux que je ne prenne pas cette résolution. En plus, si je descends la poubelle en souriant comme un imbécile, Josiane va s’inquiéter. »

« Ce n’était pas une raison pour prendre la résolution de faire semblant d’oublier de descendre la poubelle. »

Mot compte double

Il est tôt pour le cuistot

Qui bulle dans le vestibule

Et tard pour le bâtard

Qui arrose les roses.

Le fautif s’est fait couper les tifs.

Il n’a que faire en enfer.

Le vicieux est parti dans les cieux

Tandis que dine la sardine.

Leçon de géométrie

« Vous avez que deux droites parallèles se coupent à l’infini ! »

« Personne n’en sait rien. On ne sait même pas si l’infini existe, personne n’est allé voir ce qui se passe à l’infini et en est revenu. »

« La droite est un ensemble de points et un point n’a pas d’épaisseur, c’est un axiome d’Euclide. »

« Je ne comprends pas comment un ensemble de choses qui n’ont pas d’épaisseur puisse exister. »

« Y’a pas à comprendre ou ne pas comprendre, c’est un axiome. »

« Un axiome ? »

« Oui, un axiome c’est un truc qui ne se démontre pas. On vous dit que c’est comme ça pour la bonne raison que c’est comme ça. Une fois que c’est admis, on peut en tirer toutes sortes de déductions intéressantes.  Je reprends. Fermez votre portable. Une ligne est infinie, ne serait-ce que pour aller rejoindre à l’infini ses copines parallèles. »

« Il parait que certaines lignes s’arrêtent avant d’atteindre l’infini. »

« Oui, elles peuvent avoir des extrémités, ce sont alors des segments. Vous commencez à comprendre ? »

« Doucement. Et un cercle alors, c’est comme une ligne qui n’a aucune envie d’aller jusqu’à l’infini et qui se replie sur elle-même ? »

« Euh…. C’est un peu imagé comme définition, mais il y a de ça. »

« C’est bien tôt la récré ? »

« Vous plaisantez, on n’a à peine commencé. Prenons le cercle. Combien y a-t-il de points dans un cercle ? »

« Vous ne m’aurez pas comme ça. Personne n’en sait rien puisqu’un point n’a pas d’épaisseur. »

« Ah ! Enfin une remarque intéressante. On ne peut pas calculer la circonférence exacte d’un cercle puisque dans la formule R2, on ne connait pas la valeur exacte de Pi ! Le nombre de décimales après la virgule est infini. On ne connait aujourd’hui que 13 300 milliards de ces décimales. »

« Qu’est-ce que vous foutez ? Vous pourriez pousser encore un peu le calcul ! »

« Euh… bon, finalement c’est l’heure de la récré. »

Bis repetita

Il y a une bagarre dans la gare.

Le fourbu a bu.

Le beau donne des coups de sabot.

Le russe est atteint d’un virus.

Il a une médaille et sent l’ail.

Il aspire au pire.

Dieu ! Qu’il est odieux !

D’effroi, je me réfugie dans le beffroi où il fait froid.

Polémiquons !

« Je voudrais faire une polémique. »

« Vous n’avez rien d’autre à faire ? »

« Si, mais tout le monde polémique, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas le faire. Par exemple, discutons de la longueur des vacances d’été pour les gamins ? Hein, vous en pensez quoi ? »

« J’en pense que ça fait quarante ans que ça dure. Vous n’auriez pas quelque chose de plus frais ? »

« Dites-moi ce que vous pensez de l’écriture inclusive qu’on puisse s’engueuler un peu. Moi, je suis pour. Si vous pouviez être contre, ça m’arrangerait. »

« A vrai dire, je m’en fous. De toute façon, les gens écrivent n’importe comment. Alors un peu plus ou un peu moins… »

« Et l’égalité hommes-femmes, ce n’est pas un sujet ça ? »

« Non plus. Tout le monde est d’accord ou presque. Comment voulez-vous qu’on s’empoigne là-dessus ! »

« J’ai une idée : pour ou contre l’ouverture des magasins le dimanche. Moi, je suis pour ! J’adore glander dans les galeries commerciales alors je ne vois pas pourquoi je devrais m’en dispenser le dimanche. »

« Je vous signale que l’intérêt pour les commerçants, c’est que plus d’acheteurs entrent dans leurs magasins. Ce n’est pas de regarder passer des glandeurs. »

« Donc, vous êtes contre l’ouverture des commerces le dimanche. J’en étais sûr. Finalement, vous êtes vachement rétrograde ! »

« Je n’ai pas dit que j’étais contre. Je constate simplement que vous êtes pour, mais pour de mauvaises raisons. »

« Nous y voilà : monsieur refuse de s’engager, alors il essaie de faire dévier la conversation. Pas de ça avec moi ! »

« C’est comme ça que vous polémiquez ? On ne va pas aller bien loin. »

« Si je comprends bien, vous voulez polémiquer sur ma manière de polémiquer. Parfait, ça me va ! On va rire ! »

« Non, je voudrais simplement éviter les polémiques inutiles. »

« De mieux en mieux, je suis tombé sur un anti-polémiste. Vous faites de la discrimination, monsieur ! »

A fond de cale

Du calme !

Plus que les calottes

(Quel calvaire !),

Je préfère les câlins,

Les calissons

Et les calembours.

Avec un petit coup de calva ?

Quelle calomnie !

Les dissidents

« J’aime bien les dissidents. »

« Ah bon ? En général, ce sont des casse-pieds ! »

« Ce sont des gens qui se sont engagés dans un parti ou un groupe et qui ont le courage de s’apercevoir qu’ils ne sont plus d’accord. »

« Ce n’est pas du courage, c’est de la désertion. »

« On a le droit de changer d’avis, il n’y a que les imbéciles qui ne le font pas. Je trouve que la dissidence a quelque chose de noble. »

« C’est pour ça que vous avez créé le parti des dissidents ? »

« Absolument, c’est le parti de tous ceux qui refusent le sectarisme et la pensée unique ! »

« Vous êtes un fieffé malin parce qu’on peut difficilement être un dissident du parti des dissidents. »

« Si, c’est possible lorsqu’on veut revenir à la pensée unique professé par la direction du parti. C’est beaucoup moins fatigant que réfléchir par soi-même. Et puis, si les idées sont mauvaises, vous n’avez qu’à dire que ce ne sont pas les vôtres. »

« Et qu’est-ce que vous faites dans votre parti des dissidents ? »

« On essaie de trouver des idées qui décoiffent. Par exemple, limiter les dépenses de consommation des gens au lieu de les laisser s’empiffrer. »

« Ah ouais ? Et comment ça marche ? »

« Au-delà d’une consommation jugée minimale du ménage, on bloquerait le compte en banque, ou alors on relèverait les taxes pour empêcher les gens de s’engouffrer dans l’hyperconsommation. »

« J’en étais sûr : c’est de l’écologie totalitaire !  Vous n’êtes pas un dissident, vous êtes du parti des partisans de la caporalisation de la société. »

« Nous au moins, on essaie de trouver des idées qui décapent, vous vous nourrissez des idées des autres. Avec vous, on s’ennuie. »

« Parfaitement, et nous nous avons le bon goût d’avoir des idées qui ne dérangent personne. C’est le meilleur moyen de se faire élire. »

« Ne vous étonnez pas d’avoir des dissidents dans ces conditions. »

Un tas d’or

Mon mentor

Victor

A une voix de stentor

Et un sourire de castor.

Il a tort.

C’est un butor

Retors,

Comme Nestor,

Celui du drugstore.

Déjà vu ?

« Parfois, j’ai l’impression de déjà-vu. Pas vous ? »

« Si, mais c’est normal. Prenez les personnes, par exemple… Il n’y a pas des milliards de façons de disposer des yeux, un nez, une bouche sur un visage. Donc, chacun a un ou plusieurs jumeaux dans le monde. Il est donc possible que vous m’ayez déjà vu ailleurs. »

« J’espère que mes jumeaux sont des personnes convenables. Je n’ai pas envie de truands qui se paieraient ma tête. Mais quand je disais déjà-vu, je parlais plutôt de situation. »

« Là aussi, c’est normal. La plupart du temps, nous connaissons les mêmes situations. Il n’y a pas trente-six manières d’entrer chez le charcutier pour demander une andouillette. C’est ce qu’on appelle la routine. »

« Remarquez que plus on prend de l’âge et plus on emmagasine de souvenirs. Donc à 100 ans, on doit avoir souvent l’impression d’avoir déjà vu de multiples situations. »

« Finalement, le déjà-vu, ça rassure. Le jour où vous êtes devant une situation inconnue, vous être plutôt déstabilisé ! »

« Et quand je dis à une femme que j’ai l’impression de l’avoir vue quelque part, c’est du déjà-vu ? … »

« Non, ça, c’est de la drague, ce n’est pas du déjà-vu. Le déjà-vu, c’est quand vous croyez revivre une scène que vous avez vécu il y a dix ou vingt ans. C’est assez fascinant. C’est comme si la vie recommençait au lieu d’être en ligne droite. »

« La vie ne revient pas en arrière, cependant l’histoire repasse les plats. Par exemple, les peuples se révoltent régulièrement contre les pouvoirs oppresseurs. »

« Le pire, c’est le déjà-entendu. Par exemple, au bureau, il suffit de croiser Dugenou pour l’entendre dire qu’il est surbooké. »

« Le déjà-entendu est plus courant que le déjà-vu. D’autant plus que les gens ont un vocabulaire de plus en plus limité. D’après Josiane, tous les jours en rentrant du bureau, je dis : qu’est-ce qu’il y a à la télé ce soir ? »

« C’est vrai que c’est très dur de rentrer du bureau et de trouver quelque chose de spirituel à dire ! »

Hou ! Hou !

La nounou

A un chouchou

Nommé Loulou,

Qui fait joujou

Avec son toutou

Et un gros nounours.

Son gourou,

Un Zoulou

Est en courroux.

Où ?

A Ouroux.