Qu’est-ce qu’on peut dire ou pas ?
7 avril, 2019« T’es bourré ? »
« Non, pourquoi tu dis ça ? »
« Tu n’arrêtes pas de dire que tu aimes tout le monde : Zidane, ton plombier, ta belle-mère, le Président de la République… »
« Et alors ? Si on s’aimait tous, tu ne crois pas que ça arrangerait bien de problèmes. Aucun rapport avec les deux bouteilles que je viens de vider. »
« Quand on est sobre, on n’aime pas tout le monde ! Ce n’est pas possible. Par exemple, la semaine dernière, tu m’as dit : j’exècre Dugenou. »
« C’est terrible : si on boit, on se détruit la santé et si on est à jeun, on est méchant avec les autres. Ceci dit, c’est vrai que Dugenou ne m’est pas sympathique. »
« Tu vois : il vaut mieux ne pas boire pour rester lucide. »
« Il faudrait inventer un état second dans lequel on pourrait aimer tout le monde sans pour autant s’enivrer. »
« Ce n’est pas possible. Si ça existait, il y aurait forcément des gens que tu aimerais moins que d’autres. Si tu m’aimes moins que Dugenou, je pourrais facilement en déduire que tu me détestes. On ne peut pas aimer, mais on peut préférer. Tout est relatif. »
« Bon, alors on peut alterner. Une semaine, c’est toi que je préfère. La semaine suivante, c’est Dugenou ! »
« Non, ça ne marche pas comme ça. D’abord, sauf cas particulier, il vaut mieux ne pas dire aux gens qu’on les aime parce qu’on est souvent déçus soit parce qu’ils ne t’aiment pas, soit parce qu’ils peuvent mal se comporter sachant qu’ils bénéficieront de ton indulgence. »
« Et on peut dire qu’on ne les aime pas ? »
« Non plus. C’est trop conflictuel. »
« Alors finalement on ne peut pas s’aimer ou non les uns les autres. Par contre, on peut se foutre de son prochain… »
« Euh… peut-être, mais il ne faut pas dire ça non plus. Tu dois garder pour toi ce que ton prochain t’inspire, sauf moment de crise pendant lequel tu peux tout lui jeter à la figure. »