Un dominateur
11 décembre, 2018- Je vous concède que vous avez raison.
- Comment ? Vous me donnez raison ? Vous ne vous opposez pas à moi ? Voilà qui ne m’arrange pas tellement !
- Et pourquoi ? Puisque je vous donne raison !
- Si vous êtes d’accord avec moi, je ne vais pas pouvoir donner la pleine mesure de mon tempérament de contradicteur ! C’est très gênant !
- Vous tenez absolument à briller ? Vous êtes complexé ou quoi ?
- Pas du tout. J’aime bien avoir raison et dominer mes interlocuteurs par la puissance de mes arguments.
- Désolé, mais je suis d’accord avec vous.
- Vous n’êtes pas très intéressant.
- Et si je m’élevais vivement contre votre caractère prétentieux, ça pourrait le faire ? Vous pourriez vous distinguer par l’élégance de vos réparties.
- C’est trop dangereux. Il se pourrait que vous ayez raison. Je ne vais tout de même pas m’incliner devant votre discours.
- Alors de quoi on parle ?
- D’abord, je ne sais pas si j’ai envie de parler avec vous ?
- Vous savez bien que vous avez découragé tout le monde.
- Bon, alors parlez-moi de vous. Je pourrais peut-être vous contrarier. Comme vous n’êtes pas passionnant, on va peut-être s’entendre.
- Vous allez blesser mon amour-propre.
- Parce que vous avez de l’amour-propre ? C’est bien. Je vais pouvoir le piétiner par la pertinence de mes arguments.
- Et si on ne parlait pas ?
- Si vous voulez, mais je vous préviens : je vais être encore meilleur. J’ai des silences extrêmement éloquents.
- Oui, mais moi, je peux me taire de manière très ironique.
- Alors, je vais vous lancez des regards. J’ai une série de regards fulgurants qui vont vous figer sur place.
- Vous tenez à ce que je vous réponde par un visage glacial. Je vous préviens que vous avez intérêt à vous couvrir par ce que je peux être très froid.
- Vous n’y mettez pas beaucoup du vôtre. Il faut absolument que j’arrive à vous dominer dans le débat. Si mes arguments sont insuffisants et si je ne peux pas prendre un avantage physique, je vais être très malheureux.
- Je suis navré. Qu’est-ce que je pourrais faire pour vous ? Peut-être pourriez-vous hausser les épaules d’un air désabusé quand je parle ?
- Vous êtes sûr ? Ça ne vous dérange pas ? Je ne voudrais pas être importun. Ce n’est pas mon genre.
- Je vous en prie, si ça vous permet d’avoir l’impression de prendre l’avantage sur moi, ne vous gênez pas.
- Vous êtes très compréhensif.
- C’est normal. Dans le débat, il faut que chacun se sente valorisé. Vous pouvez même me dire que je dis n’importe quoi, ce qui ne m’empêchera pas de le dire.
- C’est trop ! Je vous remercie.