L’apprenti méchant

-          Je vais essayer d’être méchant. 

-           Faites gaffe, si vous faites du mal aux autres, il faut vous attendre à ce qu’ils vous le rendent. 

-          Ce qui ne serait pas très beau de leur part. Je trouve que le goût de la revanche est tout à fait détestable. 

-          Mais enfin pourquoi voulez-vous être méchant ?

-          J’ai essayé d’être gentil, mais ça n’a pas été une grande réussite. Je me dis que je suis plutôt formaté pour être méchant.

-          Vous pourriez être ni gentil, ni méchant, ça se fait !

-          Ben… personne ne fera attention à moi ! Vous trouvez ça sympa ? Si vous aviez quelque chose pour me faire remarquer qui ne soit ni de la gentillesse, ni de la méchanceté, ça m’intéresse.

-          Bon… alors d’accord. Essayez d’être méchant, mais je vous aurais prévenu. Comment comptez-vous vous y prendre ?

-          Je ne sais pas trop. Je pourrais peut-être vous insulter pour commencer.

-          Non, ça ce n’est pas être méchant, c’est pour vous passer vos nerfs, ça ne dure qu’un instant. Après vous être défoulé, vous vous retrouvez tout bête.

-          Si je vous pousse dans l’escalier, ça compte pour une méchanceté ?

-          Oui, mais une fois que je serai rétabli, nous ne serons pas très avancés. Pour être un vrai méchant, il faut que vous vous inscriviez dans le long terme, sinon vous risquez de redevenir gentil. 

-          Vous avez raison, il faudrait que je sois méchant jusqu’au bout des ongles, mais inventer tous les jours des méchancetés, ça me coûterait beaucoup d’énergie.

-          Remarquez, vous pouvez toujours faire des méchancetés gratuites, ça ne coûte rien.

-          Mon problème, c’est que je n’aime pas tellement faire du mal aux autres. Il n’y aurait pas des méchancetés douces, ça m’arrangerait ?

-          Non, je ne connais pas de méchancetés douces.

-          Je pourrais peut-être essayer d’infliger des blessures d’amour-propre.

-          Faites attention ! Ce sont les plus longues à cicatriser. Les gens vous en voudront pour très longtemps.

-          Ah ! Parce que les gens auront le droit de me détester si je suis méchant ? Vous faites bien de me le dire. C’est que j’aime bien être aimé moi.

-          Alors, soyez un gentil !

-          Je vous ai dit que je ne sais pas faire ! Suivez un peu. L’idéal, ce serait que je puisse être méchant sans que personne ne s’en aperçoive.

-          Ça n’existe pas non plus.

-          Rien n’est fait pour m’arranger. Et si j’étais méchant le lundi et le mardi. Et gentil le reste de la semaine ? Comme ça, tout le monde serait content !

-          Ceux qui vous rencontreraient le lundi ou le mardi pourraient vous rendre la pareille pendant les autres jours…

-          Je leur dirai d’attendre la semaine suivante, pour que je puisse leur répondre dans mes jours de méchanceté.

-          Arrêtez donc de vous poser ces questions. De toute façon, les gens ne reconnaissent jamais être méchants, surtout les vrais méchants.

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