Privé de dessert !
« Oui, mon enfant, c’est comme ça la vie. Il y a des sommets et des creux. Et quand on est au sommet, il ne faut pas trop faire son malin parce que tout bouge et qu’on peut très facilement se retrouver dans un creux. Inversement, si on est en bas, on peut toujours grimper en haut en faisant des efforts. »
« Si je comprends bien, pépé, c’est comme dans la nature : il y a des vallées, des montagnes et des plaines. »
« Tout à fait mon enfant. Mais il ne faut pas trop de plaines. Si tout était plat, on s’ennuierait et on finirait par se disputer entre nous, vu que – comme tu le sait – l’oisiveté est mauvaise conseillère. »
« Donc, d’après ta philosophie, il faut toujours faire des efforts soit pour gravir les sommets, soit pour ne pas en tomber. Autrement dit, interdiction de glander ! »
« Exactement. Tu fais des efforts et après tu auras la récompense d’avoir vaincu ta fatigue. »
« Euh… oui, mais non… il y a le crédit, pépé. »
« Comment ça : le crédit ? »
« Oui, le crédit. Tu n’as pas besoin de faire des efforts pour économiser de l’argent. Tu demandes un crédit à ta banque et tu peux te payer une bagnole tout de suite. »
« Très mauvais exemple ! Nos aïeux avaient horreur de s’endetter. »
« Ou alors, tu es le fils d’un chanteur à la mode. Tu as tout de suite un boulot sans trop te fatiguer à grimper des sommets. »
« Oui, bon d’accord, il y en a qui se font déposer sur les sommets de la vie en hélicoptère, mais crois-tu que ces privilégiés soient heureux ? »
« Je ne sais pas, mais en tous cas, ils sont moins fatigués que moi qui me tape des devoirs de maths et toutes les grimpettes de l’existence. »
« Euh… y’a bien un moyen pour ne pas finir éreinter. C’est de regarder le paysage en t’élevant. En regardant vers le bas, on a le droit d’être content de soi, et puis ça évite la frustration qu’on peut ressentir en constatant toute la montée qui reste à gravir. »
« Bon d’accord, pépé. Mais toi as-tu gravi tous les sommets ? »
« Non, j’en avais ma claque. Je me suis installé à mi-hauteur est je me suis marré en regardant tous ceux qui crapahutaient pour arriver en haut. »
« C’est un peu dérisoire comme attitude, mais ça ouvre des perspectives. Après tout pourquoi ne pas s’installer au rez-de-chaussée et vivre les doigts de pieds en éventail, en plaignant tous ceux qui se précipitent dans l’ascenseur ou sur l’escalier. »
« Tu ne vas tout de même pas me faire le coup de Diogène qui se fichait de tout sauf de bénéficier d’un rayon de soleil. »
« Il savait être heureux en se contentant de peu. »
« Arrête tes insolences. Tu tiens à être privé de dessert ? »
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