Surmené ?
« Je suis trop payé pour ce que je fais. »
« C’est une chose qui arrive, mais c’est moins grave qu’être insuffisamment payé. »
« Je trouve que ça se vaut. Les gens qui ne sont pas assez payés sont frustrés, moi je me sens culpabilisé. »
« Vous êtes donc placardisé ? »
« Oui. Je ne fais rien ou alors des choses qui sont inutiles. Le pire c’est que tout le monde sait qu’elles sont inutiles. Pourtant, je fais ce que je peux pour avoir l’air affairé. »
« Comment fait-on pour être submergé par aucun travail ? »
« C’est une longue pratique. Vous pouvez par exemple traverser un couloir avec un dossier sous le bras, tout en regardant votre montre avec anxiété. »
« Intéressant. Mais encore. »
« Vous partez du bureau après les autres. 5 minutes de plus permettent, en général, de faire comme si votre travail justifie plus d’heures de travail que les autres.
« C’est un peu hypocrite, non ? »
« Oui, mais tout est hypocrite. Pour la plupart des salariés, il s’agit d’en faire le moins possible tout en se plaignant surbooké par la charge de travail. »
« Et si on allège leur charge de travail ? »
« Ils se plaindront aussi parce qu’ils s’estimeront méprisés. »
« Bref, ils sont mécontents dans tous les cas. »
« Oui, ça marche grâce au concept de l’honneur. L’honneur, c’est de travailler à une œuvre collective, mais c’est insuffisant. Il faut aussi être reconnu comme indispensable à cette œuvre. »
« Comment fait-on pour être indispensable ? »
« D’abord, comme je vous l’ai dit, il faut être surbooké. Ensuite si ça ne suffit pas, on peut compliquer les procédures avec des contrôles inutiles ou des demandes d’autorisations ou des groupes de travail. »
« Et ça suffit ? »
« Non, il faut paraître aussi plus indispensable que les autres. La notion est relative. Si vous êtes moins indispensable que le voisin, c’est que vous ne faites pas grand-chose. Et par conséquent, on risque de vous sucrez des moyens pour travailler. »
« Et en plus ? »
« En plus, il faut le faire savoir que vous êtes indispensable. Si personne ne le sait, c’est peine perdue. Le fin du fin, c’est d’obtenir que les autres vous plaignent d’avoir tant de travail. »
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