Archive pour le 11 septembre, 2018

Ecrire

11 septembre, 2018

« Vous voulez écrire ? Ça ne va pas ? C’est extrêmement dangereux ! »

« Comment ça, dangereux ? »

« Bien sûr ! Il faut maîtriser l’orthographe, la grammaire, la syntaxe. Si ce n’est pas le cas, vous allez passer pour un imbécile ! »

« Oui, bof, je me débrouille… »

« Et le vocabulaire, il faut avoir du vocabulaire ! Et puis aussi, le sens de l’image. Quand Balzac écrit : « il maniait agréablement une canne dont le pommeau d’or sculpté n’altérait point la fraicheur de ses gants gris », on voit le tableau : une main élégamment gantée qui joue d’une canne richement ornée. »

« Oui, c’est vrai, Balzac, ce n’est pas mal, mais il faut bien que je débute. »

« Vous êtes sûr d’avoir quelque chose d’intéressant à raconter ? Si vous faites un roman policier dans lequel les gendarmes courent après les voleurs, merci bien ! On a déjà donné ! »

« Vous avez raison je vais écrire que ce sont les voleurs qui courent après les gendarmes. »

« N’allez pas non plus nous raconter vos vacances de jeunesse chez votre grand-mère qui faisait de si bonnes confitures. On s’en fout complètement. »

« Non, ma grand-mère n’était pas tellement confiture. »

« Ayez un peu d’imagination ! N’allez pas nous décrire une bataille interstellaire avec des êtres affreux mi-hommes, mi- bêtes qui s’exterminent entre eux. »

« Voilà qui tombe bien, je n’aime pas tellement le sang. »

« Et puis alors pas de romance à l’eau de rose, hein ! C’est très, très dangereux ! Ou bien je m’endors à la page 20, ou alors nous tombons dans un érotisme torride, une fois que la jeune fille a succombé aux avances effrontées du jeune homme ! »

« N’ayez crainte, j’ai horreur des histoires de sexe. »

« N’oubliez pas non plus que les histoires qui finissent mal me dépriment. Epargnez-moi des histoires de guerre par exemple. Ça m’empêche de dormir. »

« Non, moi, j’aurais plutôt envie d’écrire mes réflexions sur la vie à partir de mes expériences personnelles. »

« Mais tout le monde se fiche de votre avis, mon pauvre. Les gens qui ont disparu en emportant modestement leur opinion sur la vie se comptent par millions. »

« Mais, moi j’ai besoin d’exprimer ce que je ressens. »

« Pff… Vous avez tellement d’autres champs à explorer beaucoup plus intéressants ! Je vous ai donné plein d’idées ! »

« Euh… si j’évite tout ce qui vous déplait, il ne me reste plus grand-chose ! »