Archive pour le 5 août, 2018

Les cerveaux

5 août, 2018

« Vous avez apporté votre cerveau ? »

« Oui, je l’ai toujours avec moi. »

« Il faut aussi avoir l’autre, le cerveau qui est dans votre ventre. C’est plein de neurones dans l’estomac et les intestins. »

« C’est vrai qu’il est important aussi, mais difficile à raisonner. Chaque fois que je vois le patron, ça me fait mal au ventre. Je n’y peux rien ! »

« Moi aussi. Chaque fois que je croise Dugenou, j’ai des maux d’estomac. Mon premier cerveau dit pourtant au second de se calmer, mais c’est peine perdue. Le second cerveau fait un peu ce qu’il veut. »

« C’est vrai, il est très autonome. Chaque fois que je mange des épinards, il n’est pas du tout d’accord. Et il me le fait savoir, si vous voyez ce que je veux dire. »

« Il faudrait un troisième cerveau dont la fonction serait de raisonner le deuxième. Après tout, Dugenou n’est pas si désagréable que ça… »

« Oui, mais alors, où on le mettrait ce troisième cerveau. Nous n’avons pas tant de place que ça. Tout est occupé. »

« C’est juste. En plus le troisième cerveau devrait être doté d’une capacité à raisonner pour expliquer à ce chenapan de deuxième cerveau que ce n’est pas la peine de s’énerver quand Dugenou apparait quelque part. »

« Le problème serait que, dans ces conditions, le premier et le troisième cerveau pourraient entrer en contradiction. Vous imaginez le bazar si l’un dit que Dugenou est sympathique et l’autre qu’il est imbuvable. »

« Oui, j’entends d’ici le second cerveau – celui du ventre – dire aux deux autres qu’il y aurait intérêt à se mettre d’accord. »

« Si on va par là, il faudra imaginer une instance de régulation entre les cerveaux. Une sorte de président des cerveaux. »

« … Qu’on n’a toujours pas de place de loger. »

« Donc, on a bien raison de dire que dans une organisation, il faut une seule tête pensante. Le premier cerveau doit commander le second qui doit arrêter de faire ce qu’il veut. Point barre. »

« Certes, mais il faut une organisation bottom-up. Le deuxième cerveau doit pouvoir envoyer des informations au premier. Ce n’est pas ce dernier qui se coltine les épinards à digérer. »

« Vous avez raison. Un organigramme participatif est le mieux. Il faut écouter ce que notre cerveau du ventre a à nous dire. »

« C’est notre intérêt, sinon il s’énerve et il nous fait des maladies. »

« Donc il faut le cultiver, comme nous cultivons le premier cerveau. Certains parlent de l’intelligence du cœur. Parlons de l’intelligence de l’estomac et le monde ira mieux ! »