Archive pour juillet, 2018
Le cintre
10 juillet, 2018« Je produis et je vends des cintres. »
« Voilà un créneau commercial qui me parait très fin. Ça marche ? »
« Vous plaisantez ! Le cintre est un objet éternel qui nous enterrera tous. Le cintre durera aussi longtemps que l’homme. »
« C’est ma foi vrai, je ne vois pas bien comment ranger mes vêtements sans cintre. A moins de les rouler en boule, mais Josiane n’est pas tellement d’accord. »
« Pour qu’on ne vende plus de cintres, il faudrait imaginer que le corps humain subisse une transformation ravageuse. Par exemple : plus d’épaules ! »
« On aura l’air de quoi sans épaules ? »
« Je vous le demande : de fils de fer ambulants peut-être. »
« C’est une vision de la société cauchemardesque ! »
« Oui, c’est pour ça qu’il faut vénérer nos cintres. Il faudrait instaurer une journée des cintres dans le calendrier. Ce serait la Saint Cintre ! »
« Remarquez… Je suis étonné que personne n’ait encore inventé le cintre virtuel, ce serait très économique. »
« J’y travaille activement. »
« Comment ça va se présenter ? »
« Ce sera un cintre soutenu par des ondes électroniques invisibles, grâce auxquelles vos costumes seront comme suspendus dans les airs. Ce sera une sorte de réalité virtuelle, ça nous économisera de la place dans nos placards. Quand vous devrez sortir et choisir un costume ou une robe, vous les appellerez et ils se présenteront à vous instantanément. »
« Euh…c’est-à-dire que je n’aimerais pas trop rencontrer mes costumes au détour de mon couloir en sortant de la salle de bains. Le chien va avoir peur et hurler comme un dingue. »
« Dommage… Alors on peut aussi imaginer un cintre connecté, programmé pour examiner la qualité de vos vêtements. Au moindre accroc, il vous enverra un SMS. »
« En pleine réunion de direction, un SMS sur la bonne santé de mes pantalons ne me sera pas franchement indispensable. »
« Mieux encore ! Le cintre sera connecté à des sites spécialisée dans la mode et vous avertira dès que vos vêtements ne seront plus dans le vent. Il émettra un message vocal du genre : virer moi cette petite robe d’été. Ce sera très amusant. »
« Tous ces objets qui parlent, moi ça me traumatise un peu. Bientôt, l’être humain n’aura plus la parole. Halte à l’aliénation ! »
« J’ai encore mieux que mieux. Dès que votre vêtement est passé de mode, le cintre le détruit par combustion. »
« Et si ça flanque le feu à ma maison ? Je ne me vois pas appeler les pompiers pour leur dire que mes cintres ont mis le feu à ma garde-robe. »
« Aucun problème, le cintre est connecté avec la caserne des pompiers au cas où ça se passe mal. Il assumera ses responsabilités. »
Filles et garçons
9 juillet, 2018Objectivement
8 juillet, 2018« Dumollard, il me faut tes objectifs. »
« Ah oui ? C’est obligatoire d’avoir des objectifs ? »
« Oui, si tu n’as d’objectif, tu ne sais pas où tu vas. Et si tu ne sais pas où tu vas, tu vagabondes. Et vagabonder, c’est interdit. »
« Bon, si je dis que j’ai l’objectif d’avoir des objectifs, c’est bon ? »
« C’est un peu faible. Il faudrait rapidement atteindre ton objectif d’avoir des objectifs. »
« Bon, ça y est, cette fois j’ai des objectifs ! »
« Ah bon ? C’est quoi ? »
« On est obligé de les dire nos objectifs ? »
« Evidemment ! Si tu ne dis pas quels sont tes objectifs, je ne peux pas les connaitre et je suis ramené au cas précédent, c’est-à-dire que pour moi tu n’as pas d’objectif. »
« Oui, mais alors si je dis que j’ai des objectifs et que je ne les atteints pas, je vais passer pour un nigaud. C’est très embêtant. »
« C’est fait exprès. Le système des objectifs est socialement discriminant, ça permet de distinguer les winners et les loosers. S’il n’y a plus d’épreuve, il n’y a plus de gagnant, et s’il n’y a plus de gagnant, nous ne sommes plus dans la société de la performance. »
« Je pourrais te donner un objectif bidon, que je suis sûr d’atteindre. Comme ça, je serai un winner. Un winner bidon, mais on en est plus là. »
« Euh… oui, c’est ce que tout le monde fait sauf les naïfs. »
« Bon, je vais dire que j’ai pour objectif d’aller faire mes courses au supermarché en sortant du boulot. »
« Non, ça ne va pas du tout. Aller au supermarché, c’est ce que tout le monde fait. De toute façon, tu es obligé d’y aller. Un objectif, c’est quelque chose qui parait difficile à atteindre, mais que – grâce à ta volonté – tu vas atteindre quand même. »
« Oui, mais tu m’as dit qu’on peut avoir des objectifs bidon. »
« Certes, mais le bidonnage a ses limites. Ton objectif doit avoir l’air d’un objectif pour les autres, même si toi, tu es sûr de l’atteindre. »
« On pourrait faire un truc un peu plus honnête. Par exemple, c’est toi qui me donne un objectif. »
« Et puis quoi encore ? Si je t’en donne un trop faible, je vais passer pour un démago et si je t’en donne un trop élevé, je serai un tortionnaire. »
« Tu ne m’aides pas beaucoup. »
« Ecoute le mieux, ce serait que tu demandes à Dugenou. C’est lui qui tient le dictionnaire des objectifs qui ont l’air d’objectifs. »
Qui ?
7 juillet, 2018Le dédoublement des prénoms
6 juillet, 2018Chez le boulanger
5 juillet, 2018« Bonjour, madame la boulangère, pourriez-vous me faire une remise de 20 % sur la baguette que je vous achète tous les jours ? »
« Non, monsieur le client, ce n’est pas là l’usage commercial. »
« Alors, une remise sur les croissants, madame la boulangère. J’en prends également quotidiennement pour mon petit déjeuner. »
« Pas davantage, cher client. Si tout le monde commence à me demander des remises, nous ne survivrons pas très longtemps. »
« Parfois, le boucher dont je suis également le client, me met trois steaks hachés pour le prix d’un seul. Il y a là un geste que je vous recommande. »
« Le père Boulard fait ce qu’il veut, moi j’ai assez de clients comme ça. D’ailleurs si vous pouviez laisser passer les gens qui attendent derrière vous… »
« Bon d’accord, passez chère madame, je vois que vous avez un besoin urgent d’acheter une baguette hors de prix. »
« Si vous pouviez vous dispenser de vous adresser à ma clientèle… »
« Je ne fais rien de mal, je mets un peu d’animation dans votre magasin. Sinon, c’est lugubre, on dirait un guichet de la Sécurité Sociale…. A propos que penseriez-vous d’une remise sur les tartelettes aux fraises ? »
« C’est toujours non, le cours de la fraise vient d’augmenter. »
« Ou alors moins 10 % sur le pain au chocolat. Voilà une mesure qui vous assurerait une forte popularité dans la cour du collège voisin. Il est temps de donner un coup de vieux à votre clientèle ! »
« Justement ma clientèle de vieillards est derrière vous, si vous pouviez la laisser passer… »
« Je pourrais réorienter ma consommation vers le pain aux raisins. Avec un rabais de 5%, vous pourriez être la reine du pain aux raisins ! Je me chargerai de votre promotion… »
« … Contre une remise que je vous accorderais sur les baguettes, je suppose ! »
« Je n’osais pas vous le demander, mais enfin puisque vous insister, pourquoi pas ? Vous voyez, on peut trouver des synergies positives entre nous ? »
« Vous trouvez des synergies avec tous les commerçants du quartier ? »
« Non quand même pas. Uniquement avec les boutiques qui ont attiré mon attention par leur fort potentiel commercial. Pendant que j’y suis… Qu’est-ce que vous penseriez d’un rabais sur le gâteau que je vous achète chaque dimanche en sortant de la messe ?»
« Non plus. »
« Allons, allons, madame la boulangère. Je vous fais cadeau du carton et du petit kiki rose que vous mettez autour du gâteau dominical et on parle de -10 % entre vous et moi. »
La température monte
4 juillet, 2018Le grand mélange
3 juillet, 2018« Vous croyez que les oranges maltaises viennent de Malte ? »
« Non, elles sont cultivées en Tunisie. »
« Et les omelettes norvégiennes ? »
« Vous pouvez en commander partout ! »
« Si je comprends bien, on est mal renseigné sur l’origine des choses. La canadienne de mon grand-père ne doit probablement rien au Canada. »
« Probablement. Vous pouvez aussi trouvez une salade mexicaine dans votre restaurant préféré, ça ne m’étonnerait pas. Ou alors danser la bourrée auvergnate à Strasbourg, si ça vous fait plaisir. »
« J’en étais sûr ! C’est un coup de la mondialisation. On ne sait plus où on est. Je n’ai rien contre les Bretons, mais on en trouve de partout. Bientôt les Bretons de Bretagne seront minoritaires ! Peut-être qu’un jour, si on continue comme ça, plus personne ne saura jouer du biniou ! »
« C’est comme ça, maintenant ! Les gens voyagent, se mélangent ! Les peuples se comprennent mieux ! On évite des guerres ! »
« Mais moi, je n’aime pas tellement les voyages. »
« Je vois ce que c’est : monsieur est pantouflard. Ça ne vous intéresse pas comment vivent les Inuits ou les Ouzbeks. »
« Non pas vraiment. J’ai beaucoup de soucis, je ne vais me coller ceux des Inuits ou des Ouzbeks sur le dos. »
« Il ne s’agit pas de vos soucis, mais de s’enrichir de l’apport d’autres civilisations. »
« Ce qui m’ennuie le plus, ce n’est pas le voyage, c’est le déplacement. Il faut payer l’avion, l’hôtel, l’assurance pour annulation… Pensez à réserver… Pfff… Et puis, on n’est jamais à l’abri d’une grève… Dormir parterre dans un aéroport pendant trois jours, merci bien ! … Aller attraper des maladies inconnues à l’autre bout du monde : merci bien aussi ! »
« Vous n’avez aucun goût pour l’aventure ! »
« Aucun. Vous êtes sûr que les Inuits ou les Ouzbeks ne veulent venir jusque chez moi, je pourrais leur montrer comme je suis civilisé. »
« Faites un effort. Allez ! Je vous prends un billet pour où ? »
« Vous avez raison ! Je me lâche ! Donner moi un billet pour Châteauroux. Avec une visite guidée : je veux tout voir, le rond-point, l’église, la perception… Je pourrai me baigner à la piscine municipale… »
« Enfin… je constate en fin que monsieur prend des risques. »
« Je vous rapporterai un souvenir. »