Les idées noires
« Vous êtes chasseur ?»
« Oui, tout à fait, je chasse les idées noires. »
« C’est sympa, mais pour le moment, ça va, je n’en ai pas. »
« Ça va venir. La saison commence juste. En été, les gens remuent beaucoup d’idées noires. »
« C’est curieux. Ils devraient être heureux au contraire ! Le beau temps incline à l’optimisme. »
« Au contraire. C’est en été que les gens s’embêtent sur la plage. »
« Et alors ? »
« Et alors, ils ont le choix entre acheter des chouchous ou faire le point sur leur vie. Alors là, je ne vous dis pas les déprimes. »
« Vous exagérez ! »
« Pas du tout ! L’été est une belle saison pour les idées noires. En été, vous êtes invité chez vos copains pour un barbecue. Ils ont une plus belle maison que vous, une plus belle voiture et hop !… Vous commencez à ruminez votre jalousie… »
« Evidemment, vue comme ça… »
« Ce n’est pas tout. En rentrant en voiture, après le barbecue, vous vous disputez avec votre femme pendant que vous conduisez, c’est classique. Je ne vous dis pas l’ambiance des jours suivants ! »
« Le mieux, ce ne serait encore de rien faire en été. »
« Il y a quand même des gens qui passent un bon été. Mais le problème se situe aux alentours du 25 août, quand ils sont obligés de se dire que cette belle saison ensoleillée va finir bientôt. Alors là, c’est une nouvelle dépression assurée. De quoi vous gâcher toute la fin de saison. »
« Effectivement, vous avez beaucoup de travail. Et comment faites-vous pour chasser les idées noires ? »
« Je vante les vertus de l’automne et de l’hiver. C’est pas si mal que ça, la mauvaise saison : personne ne vous invite à un barbecue. Comme vous restez chez vous, vous ne prenez pas beaucoup la voiture, donc vous limitez les disputes de couple. En plus, contrairement à l’été, vous ne vous désespérez pas de la fin proche de la saison. »
« Et donc, en été, les gens se sentent mieux quand vous leur racontez ça ? »
« Tout à fait, ça jette un froid. Surtout vers le 15 juillet ou le 15 août. Ça leur fait du bien, quand ils savent qu’ils vont passer 10 heures sur une autoroute brûlante avec les gosses qui braillent à l’arrière de la voiture. »
« Je m’excuse, mais je n’ai pas de gosses. »
« Ce n’est pas grave, avec tous les ballons de volley que vous allez prendre dans la figure sur la plage, vous aurez des idées noires. »
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