Réincarnation
22 avril, 2018« Moi, je crois à la réincarnation. Vous ne trouvez pas que je ressemble à Napoléon Bonaparte ? Comme ça, de profil par exemple ? »
« Même si vous êtes Napoléon, ça ne veut pas dire que vous aurez le même destin. »
« Personne ne le sait. Pour le moment, je reconnais que Napoléon affecté au service du courrier, ça n’en impose pas tellement. »
« Vous ne paraissez pas avoir une allure de conquérant. En fait, la réincarnation, ça ne marche que pour l’enveloppe corporelle. Vous avez le cerveau et l’esprit de quelqu’un d’autre. »
« Pourtant ce qui a marché une fois avec Napoléon, devrait pouvoir marcher une seconde fois. J’ai essayé de prendre d’assaut le bureau du patron, mais ça n’a pas marché, il m’a viré. Pourtant, lui ressemble à rien. »
« Vous devriez retravailler votre personnage. Napoléon était aussi un grand amoureux. »
« Ça ne marche pas non plus. La standardiste n’a pas voulu être ma Joséphine. Mais dites-moi, vous qui ressemblez à Victor Hugo, vous vous en tirer comment. »
« Pas très bien. Mon chef trouve que mes notes de service sont incompréhensibles et me les fait recommencer. Victor Hugo, obligé de recommencer ses pages d’écriture ! Vous vous rendez compte ? »
« Vous n’avez pas hérité du génie du grand poète, ça ne m’étonne pas. Mon père ressemblait à Rodin, il a essayé de faire des bonhommes en pâte à modeler, mais ça n’a pas été un franc succès. Pas plus que les châteaux de sable qu’il nous faisait sur la plage, pendant les vacances d’été. »
« Voilà donc qui confirme l’hypothèse que nous ne nous réincarnons que d’un point de vue physique. Reste à savoir de qui nous vient notre esprit. »
« Moi, je pense que ça me vient de Maurice Dugenou. »
« Qui est-ce ? »
« Un paysan de mes ancêtres. Il vivait au XII e siècle. Il n’avait aucune ambition. Il vivait dans sa ferme et ne voulait pas en sortir et il était complètement analphabète. »
« C’est effectivement tout votre portrait. Moi, j’ai plutôt l’esprit de Valentin Biniou. »
« Qui c’est ? »
« C’est un des compagnons de Jeanne d’Arc. Il était fort et valeureux. Un peu comme moi, mais il s’est fait piquer la place de capitaine par Jeanne. Un peu comme moi aussi, c’est la mère Mollard qui a eu le poste de chef de service que je convoitais. »
« Vivement l’autre monde que je puisse me réincarner en quelque chose d’intéressant. On devrait avoir le choix. Moi, je veux bien me réincarner en Napoléon une nouvelle fois, mais il me faudrait l’état d’esprit de Louis Boudingrin. »
« Qui c’est ? »
« Le nouveau patron. »