Le bonheur
6 février, 2018« Vous avez l’air heureux. »
« Oui et alors ? »
« Ça ne vous gêne pas ? »
« Et pourquoi, ça me générait ? »
« Quand on n’est trop heureux, on risque de tomber dans la béatitude. C’est-à-dire une espèce d’état de contentement avec l’air niais. »
« Vous me trouvez un air niais ? »
« Pas encore, mais méfiez-vous. Quand on est heureux, on ne peut plus connaître une aspiration au bonheur, puisqu’on le connait déjà. La question c’est : après le bonheur, qu’est-ce qu’il y a ? »
« Euh… vous cherchez à me déprimer. Vous ne seriez pas un peu jaloux de mon bonheur. Par hasard ? »
« Non, je ne fais que le convoiter. Mon idéal serait de ne pas l’atteindre de façon à ne pas être confronté à un grand vide, une fois que je l’obtiendrai. »
« Si vous le cherchez, c’est bien que vous êtes jaloux de moi puisque je l’ai trouvé. »
« Etre jaloux, c’est un sentiment mauvais. C’est le sentiment que j’aurais si je voulais à tout prix votre avantage. Or, je suis sympa avec vous, je ne veux rien vous enlever de votre bonheur. J’en suis envieux, c’est tout. »
« Vous vous trompez, il y a beaucoup à faire après le bonheur. Par exemple, je peux atteindre la félicité éternelle. Vous vous rendez compte : le bonheur total, sans discontinuité, jusqu’à la fin. »
« Vous allez vous lasser. Je vous conseillerais plutôt le plaisir. C’est un état heureux momentané. Comme ça, une fois que le plaisir est passé, vous avez la joie de repartir pour une nouvelle conquête du plaisir. »
« Je vois : pour vous, le bonheur est un concept qui s’enfuit dès qu’on l’a attrapé. Il faudrait même l’aider à s’enfuir, pour avoir le plaisir de recommencer à courir après. »
« Exactement. Dans ces conditions, je vous conseille la volupté. »
« Qu’est-ce à dire ? »
« Une fois que vous avez le bonheur, vous vous roulez dedans avec intensité, pour vous en imprégner. Sinon, vous n’allez pas le connaître vraiment et vous pourriez renoncer à le poursuivre. Et là, pof ! Vous tombez dans la dépression ! »
« Vous avez raison. Depuis que je vous parle, mon bonheur s’est fait la malle. »
« Qu’est-ce que je vous disais ! La prochaine fois que vous le choper, dépêchez-vous d’en jouir au lieu de faire le malin. »