Archive pour novembre, 2017

Restons élégants

9 novembre, 2017

« Je n’aime pas dire des choses vulgaires. »

« Vous avez donc été bien élevé. »

« Sans doute, mais employer des mots grossiers, ça me donne l’impression de me rouler dans la boue. La fange du vocabulaire en quelque sorte. »

« Mais dire des gros mots, ça peut vous faire du bien. C’est une manière d’extraire de vous-même des frustrations ou des colères refoulées. »

« Quand je suis en colère, je peux le dire de manière distinguée. »

« C’est compliqué. Il faut beaucoup de maîtrise pour insulter quelqu’un avec élégance. On devrait ouvrir des formations spéciales. »

« En effet, la vulgarité est une preuve d’inculture. »

« Il y a des moments où vous êtes bien obligé de ‘faire peuple’. Quand une voiture gêne la vôtre, vous devez dire : enlève ton tas de tôle, eh connard ! Sinon, vous ne vous serez pas compris de votre interlocuteur. »

« Je pourrais lui dire que son véhicule gêne le mien, tout simplement. Et puis, je ne me vois pas dire ‘eh connard’ à une dame. Maman ne serait pas contente. »

« Comment faites-vous au bureau ? En général, la grossièreté de langage est un des meilleurs moyens d’asseoir votre autorité sur vos collaborateurs, surtout quand vous sentez que votre compétence n’est pas à la hauteur. »

« Vous avez raison, la vulgarité est souvent une preuve de faiblesse. Je suis nettement au-dessus de ce genre-là. »

« Mais ça peut vous donner aussi un air viril. Les femmes se sentent rassurer quand une grosse brute les protège. »

« On peut très bien être athlétique, tout en restant élégant. Comme disent les anglais, le rugby est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen. »

« Vous êtes un cas compliqué. Etre vulgaire ce n’est pas un crime contre l’humanité. C’est une manière d’affirmer qu’on a sa place dans le monde et de la faire respecter. C’est comme quand le chat commence à souffler et à se hérisser. C’est une manière de prévenir que, si ça continue, vous allez vous énerver. C’est le stade d’avant les coups. »

« Il est vrai que je n’aime pas non plus être violent. Dans le temps, on pouvait vider une querelle par un bon duel. On ne s’insultait pas, on se donnait simplement rendez-vous sur le pré. »

« Eh bien, vous n’avez qu’à considérer que s’insulter grossièrement est une forme édulcorée de duel. »

« C’est tiré par les cheveux, si je peux me permettre l’expression. Faut-il convoquer ses témoins avant de dire : va donc ! eh connard ! Comment vais-je considérer que mon honneur est lavé ? Y a-t-il des vulgarités supérieures à d’autres qui assurerait le succès ? »

Leçon d’arithmétique

8 novembre, 2017

Dans la Somme,

Georges a des calculs.

Il va subir une opération.

C’est un homme de taille moyenne.

Avec le ventre arrondi.

A la foire, il est exposant.

Il vend des tables

Carrées.

Mais il vit de ses dividendes

Que lui apporte le facteur

Celui qui lit Racine.

Les mains

7 novembre, 2017

« L’être humain est doté de mains, c’est un avantage remarquable par rapport à d’autres espèces, surtout cette faculté qu’ont les pouces à s’opposer aux autres doigts et donc de saisir des objets. »

« Pourtant, on a l’impression que l’Homme est toujours embarrassé de ses mains. Il faut toujours qu’il les occupe. »

« C’est vrai. Les mains servent à beaucoup de choses auxquelles elles n’étaient pas destinées. Par exemple, vous vous exprimez avec vos mains, alors que je ne leur ai rien demandé. »

« Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? La grande préoccupation quotidienne des hommes s’est de montrer une contenance. Un être immobile, les bras ballants, les mains inertes, suscitera la méfiance à tous les coups. »

« C’est vrai que les mains aident à avoir l’air vivant, ça commence chez le nourrisson lorsqu’il suce son pouce. Ça continue lorsque l’ancien nourrisson fume sa première cigarette, très content d’avoir quelque chose entre les doigts qu’il peut tripoter en se donnant l’air malin. »

« C’est vrai, mais la cigarette disparait peu à peu. Heureusement avec le téléphone portable, on a retrouvé un truc à tripoter en prenant l’air intéressé et intéressant. »

« Et puis, avec les mains, on arrive même à penser. Que serait le penseur de Rodin sans ses puissantes mains ? »

« Il faut s’y faire. C’est irrépressible. Les gens qui ont un téléphone mains libres sont bien obligés d’occuper leurs mains autrement. Mettre les doigts dans le nez, faire craquer les jointures, maquiller les ongles, se les ronger… »

« Il existe de multiples manières de ne pas laisser ses mains tranquilles. On peut aussi caresser son chat ou sa bien-aimée. Ou alors flanquer une paire de claques à son gamin, mal élevé. Ou bien compter sur ses doigts. »

« C’est vrai que les mains ont un grand pouvoir d’expression plus que les pieds. Quoique vous pouvez aussi flanque un coup de pied au derrière de votre sale gosse. C’est aussi assez efficace. »

« Les mains sont – si j’ose dire – les travailleurs manuels, tandis que les pieds sont plutôt vos salariés intellectuels. C’est eux qui réceptionnent et analysent toutes vos tensions. La preuve, c’est qu’ils se font souvent masser puisque – ces fainéants – se disent souvent fatigués. Quand vous êtes crevé, c’est souvent par les pieds que ça commence. Vous ne dites jamais : je suis fatigué des mains ! »

« Je ne sais pas si ce sont des travailleurs intellectuels, mais en tout cas, on dit fréquemment qu’on raisonne comme un pied quand on se trompe. »

« Exact, mais un intellectuel peut se tromper, ça arrive même souvent. N’oublions pas que le pied présente l’avantage unique de nous permettre le déplacement. Je ne vous ai encore jamais vu marcher sur les mains. »

« Finalement, on est bien foutu. »

Clo-Clo

6 novembre, 2017

Claude

Est un clochard

Qui clopine

Entre le clocher

Et un cloaque.

Il gagne des clopinettes

En vendant des clopes

A la chlorophylle

Courrier du coeur

5 novembre, 2017

« Vous pourriez m’envoyer une lettre d’amour. »

« Ah bon ? Un mail ou un texto, ça n’irait pas ? »

« Vous plaisantez. Je suis sûr que vous avez plein de messages pré-programmés dans vos appareils que vous envoyez à n’importe qui en appuyant sur un bouton. »

« Vous avez raison, il ne faudrait pas que je me trompe et que j’envoie un billet sentimental à mon patron. Je ne l’aime pas du tout. »

« Donc une lettre d’amour, mais pas d’onomatopées ou des phrases sans queue ni tête. Je voudrais du style, des métaphores osées, des images sublimes, bref… du littéraire. »

« Euh… c’est-à-dire que j’ai fait des études scientifiques… »

« Et alors ? Si vous êtes amoureux, vous devez savoir me décrire. N’oublions pas que je suis la femme de vos rêves. A quoi vous font penser mes yeux ? »

« Vous n’auriez pas besoin de lunettes ? »

« C’est mal parti. Quand je ferme les paupières, n’avez-vous pas l’impression de deux beaux papillons bleus prêts à s’envoler ? »

« Ah bon ? Il faut dire des choses comme ça…. »

« Bon…laissons tomber les images physiques, je sens que ça ne va pas le faire. Quand vous parlez avec moi, n’avez-vous pas l’impression qu’un courant passe entre nous ? »

« Ah si ! Je vais écrire ça. »

« Oui, mais avec délicatesse. Dites un fluide magique, par exemple. Il ne faut pas oublier de m’embarquer dans un conte de fées. »

« C’est-à-dire que lorsqu’on rédige des notes de service toute la journée, c’est compliqué. En plus, c’est moi qui écris le menu de la cantine. »

« Et votre vie, vous la voyez sans moi ? Il faudrait me rendre indispensable à la poursuite de votre existence, faute de quoi vous trouverez qu’elle ne vaut pas la peine d’être vécue. »

« C’est une menace de suicide ! Pour le moment, ça ne m’intéresse pas tellement ! »

« Ne vous inquiétez pas ! C’est juste pour me motiver. Il faut qu’à la lecture de votre lettre je sente un élan irrépressible vers vous. D’ailleurs, je vous répondrai un billet enflammé sur du papier rose. »

« Il va falloir que je fasse attention à ne pas la jeter avec les paquets de pub que je trouve dans ma boîte aux lettres. »

« Oui, et puis, il faudrait conserver aussi nos lettres pour pouvoir se les rendre quand viendra le temps de la séparation. »

« Je vous ferai remarquer que j’archive automatiquement mes mails et mes textos ! »

« Donc, on est d’accord. J’attends votre lettre, comme ce n’est ni un mail ni un texto, vous éviterez évidemment les fautes d’orthographe. »

Non !

4 novembre, 2017

Non, non, non !

En Avignon

Ninon

Avec son chignon

N’est pas canon.

Mais son compagnon

Sans nom

A du pognon.

Il est mignon

Et trognon

Dans son cabanon.

A la garde !!

3 novembre, 2017

Le garde-champêtre

Monte la garde

Au garde-à-vous.

Il garde le sourire,

Avec la garde-barrière

Hagarde

Et ringarde.

Mais il garde ses distances,

Car elle l’a mis en garde,

Ainsi que la garde-chasse.

Un couple parfait

2 novembre, 2017

« Il parait que tu sors avec Josiane. »

« Oui, enfin… je ne suis pas sûr qu’elle ait encore compris qu’elle sort avec moi. »

« Comment t’as fait ? »

« J’ai laissé parler ma beauté intérieure. Et je me suis entouré d’un voile de mystère. »

« Il parait que c’est une vraie pétasse. »

« Peut-être, mais avec elle, je peux manger toute la charcuterie que je veux. Je peux même mettre deux sucres dans mon café. »

« Effectivement, c’est un avantage appréciable. »

« En plus, je peux laisser traîner de la vaisselle sale dans l’évier. »

« C’est la cerise sur le gâteau. »

« La seule chose qu’elle n’aime pas, c’est que je glisse ma serviette dans l’échancrure de mon gilet quand on est à table. Elle trouve que ça fait pépère. »

« Vous avez tous les deux un sourire satisfait. »

« Oui, nous avons fait une liste de sujets de conversation pour ne pas laisser s’installer un silence angoissant entre nous. Et puis pour rire, nous faisons des combats de chatouilles. »

« Vous êtes un couple très stylé. »

« Parfaitement. Nous n’avons que faire des quolibets. Je suis brillant, mais je ne suis pas sûr qu’elle s’en rende tout à fait compte. Je sens que ça va venir. »

« Tu lui as certainement fait perdre la tête. »

« Elle m’a présenté à sa mère. C’est une bourge. Elle m’a dit : si seulement vous aviez de l’argent…»

« C’est vrai que vous avez une petite vie étriquée. »

« Peu importe, Josiane boit mes paroles, elle me trouve trognon, et moi je suis accro aux fortes poitrines. »

« Fais attention. Comme dit le sage : derrière chaque homme, il y a une mégère qui l’empêche de rigoler. »

« Ce n’est pas très sympa comme proverbe, d’autant plus que Josiane est très impressionnée par ma personnalité.  Je réponds souvent à des questions que personne ne me pose. Parfois Josiane me dit qu’elle m’écoute, mais que ça ne veut pas dire que ça l’intéresse. »

« Elle est douée en cuisine ? »

« Je raffole de ses spaghettis à la saucisse. Elle a planté des haricots et leur fait écouter du Bach pour qu’ils poussent plus vite. Et moi, je fais semblant d’aimer les choses qu’elle aime pour lui faire plaisir. »

« Même les choux de Bruxelles ? »

Jeu de mots

1 novembre, 2017

L’escroc n’aura plus les crocs.

Il meurt dans sa demeure,

Tandis que son ami mange du salami

Et des artichauts tout chauds,

Pendant que sa dame joue aux dames.

Dans la rade s’ébattent les dorades.

Les vautours tournent autour.

Les cyclamens ont dit amen.

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